CHAMOUN CAMILLE (1900-1987)
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Camille Chamoun (1900-1987), diplomate et dirigeant politique, fut président de la République libanaise entre 1952 et 1958.
Né le 3 avril 1900, Camille Chamoun a grandi dans une famille extrêmement marquée par la politique. À l’âge de seize ans, il suit son père en Anatolie où viennent de le déporter les autorités ottomanes. Revenu au Liban, Chamoun poursuit des études de droit. Loin de se consacrer au seul barreau, il se lance dans la politique. Il écrit au Réveil, est élu en 1929 député du Mont-Liban. Ministre en 1938, il est en 1943 membre du premier gouvernement du Liban indépendant avant de passer quelques années comme diplomate à Londres et aux Nations unies. Très séduisant, Camille Chamoun se distinguait par une plume mordante et, surtout, par un appétit politique jamais rassasié.
C'est en 1947 que les Libanais prennent la mesure du politicien habile et ambitieux. Il est en effet ministre de l'Intérieur d'un gouvernement qui intervient lourdement dans les législatives de cette année-là. Mais, quand le président Béchara al-Khoury pense se représenter plutôt que de faire de lui son successeur, Chamoun démissionne avec fracas et se lance dans une campagne virulente contre son protecteur. Quatre ans plus tard, il est porté à la présidence de la République par une opposition qu'il a su rallier à temps et dominer.
Les choix politiques de Chamoun avaient été jusqu'ici marqués par un arabisme bon teint. Il se vante volontiers des services rendus par lui à la cause palestinienne. Mais son discours n'est déjà qu'à moitié crédible. Le Premier ministre, Riad as-Sulh, qu'il avait attaqué, se demandera : « Le matin chez Mgr Moubarak (un évêque maronite connu pour ses idées extrémistes) et le soir chez le Mufti de Palestine, où est le vrai Chamoun ? » La question ne cessera plus d'être posée.
Son nom reste associé à plusieurs projets de développement, à une modernisation législative et à une ère de prospérité économique. Sa soif de pouvoir l'amène cependant à interférer dans le déroulement des élections législatives de 1957 et à briguer un nouveau mandat (qui eût été inconstitutionnel sans un amendement préalable de la loi fondamentale). La presse de l'opposition monte en épingle la fortune qu'il a su amasser. La fin de son mandat est de ce fait assombrie par une tension politique interne qui se transforme, au printemps de 1958, en de véritables combats de rue.
Son cas est aggravé par son alignement déterminé sur les positions occidentales alors que le nationalisme arabe, dirigé du Caire par Nasser, atteint son apogée. Camille Chamoun souscrit à la doctrine Eisenhower de 1957 (possibilité d'intervention armée américaine en vue d'aider un régime pro-occidental en difficulté). Menacé par l'opposition, il appelle les États-Unis au secours, et les marines débarquent à Beyrouth. Mais, si Washington le soutient jusqu'à la fin de son mandat constitutionnel, la Maison-Blanche exige aussi son remplacement au terme de ce mandat.
Camille Chamoun ne s'avoue pourtant pas vaincu. En 1960, il est de nouveau député. Battu en 1964, il est réélu en 1968 et en 1972 (la guerre empêcha ensuite depuis l'organisation de nouvelles élections). En 1970 et en 1982, il brigue à nouveau mais sans succès la présidence de la République. En 1968, il est à la tête d'une coalition à forte couleur confessionnelle chrétienne qui remporte les élections législatives. 1968 marque aussi le début d'une série d'attentats auxquels il échappe par miracle.
Dans la guerre qui éclate en 1975, Chamoun est de toutes les batailles. Son parti, le Parti national libéral, créé en 1959, se dote rapidement d'une milice armée, les Tigres. Ses hommes déclenchent la fameuse bataille autour du camp palestinien de Tall az-Za’tar pendant l'été de 1976. Il accepte l'entrée de l'armée syrienne à Beyrouth, pour être assez vite à la tête de ceux qui exigent son retrait.
Il est des premiers à avoir envisagé l'option israélienne pour faire contrepoids à la Syrie et à s'y engager. Chamoun se distingue aussi par son appui constant à l'armée du Sud-Liban, créée par Israël, et dont un de ses partisans prendra bientôt la tête. Il est d'ailleurs le chef incontesté du Front libanais qui regroupe les chefs des milices chrétiennes depuis 1976. Son alliance avec Pierre Gemayel demeure le pivot de ce Front, même lorsque le fils de Pierre, Bachir, devenu chef de la milice phalangiste, réussit en 1980 à neutraliser dans le sang celle du parti chamouniste.
Si ses détracteurs l'accusent souvent d'avoir œuvré en secret pour la partition du pays, c'est que ses positions sur cette question ont manqué de clarté. Il est resté publiquement attaché à l'unité du pays et s'est acquitté de ses fonctions de ministre des Finances jusqu'au dernier jour de sa vie. On pouvait cependant déceler son redoutable sens de la manœuvre à plusieurs tournants de la guerre : en 1978, lorsque la milice chrétienne a décidé d'expulser l'armée syrienne de Beyrouth-Est ; en 1981, lors de la bataille de Zahlé qui a amené la Syrie et Israël au bord de la guerre ; ou encore en janvier 1986, lorsqu'il a fallu répudier l'accord tripartite qu'Élie Hobéika avait signé avec les milices druze et chiite sous les auspices de la Syrie.
À chacun de ces moments, Chamoun réussissait à communiquer son intransigeance à de jeunes dirigeants de milice qu'il paraissait savoir habilement manipuler.
Contrairement à la majorité des dirigeants libanais retirés de la vie politique, Chamoun était resté au fait de la situation internationale. Il a écrit, d'ordinaire en francais, sa part de vérité sur les événements qui ont secoué son pays. Crise au Moyen-Orient (1963) relate les événements qui ont précédé et causé les troubles de 1958. Crise au Liban (1977) est un journal des deux premières années de la guerre qui a éclaté en 1975. Mémoires et souvenirs est un ouvrage plus personnel.
Camille Chamoun meurt le 7 août 1987 à Beyrouth.
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Écrit par
- Ghassan SALAMÉ : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'Institut d'études politiques de Paris
Classification
Autres références
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LIBAN
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis , Elizabeth PICARD et Éric VERDEIL
- 26 394 mots
- 18 médias
Un autre maronite d'envergure, aux sympathies probritanniques,Camille Chamoun, lui succède dans une atmosphère de crise. Porté par le consensus éphémère de ses pairs et assisté d'un Premier ministre modéré, Sami Solh, il met en œuvre une série de réformes : nouvelle loi électorale qui affaiblit l'oligarchie...