CHAMOUN CAMILLE (1900-1987)
Le dirigeant libanais Camille Chamoun était né avec le siècle dans une famille politique. À seize ans, il suit son père en Anatolie où viennent de le déporter les autorites ottomanes. Revenu au Liban, Chamoun poursuit des études de droit. Loin de se consacrer au seul barreau, il se lance dans la politique. Il écrit au Réveil, est élu en 1929 député du Mont-Liban. Ministre en 1938, il est en 1943 membre du premier gouvernement du Liban indépendant avant de passer quelques années comme diplomate à Londres et aux Nations unies. Très séduisant, Camille Chamoun se distinguait par une plume mordante et, surtout, par un appétit politique jamais rassasié.
C'est en 1947 que les Libanais prennent la mesure du politicien habile et ambitieux. Il est en effet ministre de l'Intérieur d'un gouvernement qui intervient lourdement dans les législatives de cette année-là. Mais, quand le président Béchara al-Khoury pense se représenter plutôt que de faire de lui son successeur, Chamoun démissionne avec fracas et se lance dans une campagne virulente contre son protecteur. Quatre ans plus tard, il est porté à la présidence de la République par une opposition qu'il a su rallier à temps et dominer.
Les choix politiques de Chamoun avaient été jusqu'ici marqués par un arabisme bon teint. Il se vante volontiers des services rendus par lui à la cause palestinienne. Mais son discours n'est déjà qu'à moitié crédible. Le Premier ministre, Riad as-Sulh, qu'il avait attaqué, se demandera : « Le matin chez Mgr Moubarak (un évêque maronite connu pour ses idées extrémistes) et le soir chez le Mufti de Palestine, où est le vrai Chamoun ? » La question ne cessera plus d'être posée.
Son nom reste associé à plusieurs projets de développement, à une modernisation législative et à une ère de prospérité économique. Sa soif de pouvoir l'amène cependant à interférer dans le déroulement des élections législatives de 1957 et à briguer un nouveau mandat (qui eût été inconstitutionnel sans un amendement préalable de la loi fondamentale). La presse de l'opposition monte en épingle la fortune qu'il a su amasser. La fin de son mandat est de ce fait assombrie par une tension politique interne qui se transforme, au printemps de 1958, en de véritables combats de rue.
Son cas est aggravé par son alignement déterminé sur les positions occidentales alors que le nationalisme arabe, dirigé du Caire par Nasser, atteint son apogée. Camille Chamoun souscrit à la doctrine Eisenhower de 1957 (possibilité d'intervention armée américaine en vue d'aider un régime pro-occidental en difficulté). Menacé par l'opposition, il appelle les États-Unis au secours, et les marines débarquent à Beyrouth. Mais, si Washington le soutient jusqu'à la fin de son mandat constitutionnel, la Maison-Blanche exige aussi son remplacement au terme de ce mandat.
Camille Chamoun ne s'avoue pourtant pas vaincu. En 1960, il est de nouveau député. Battu en 1964, il est réélu en 1968 et en 1972 (la guerre empêcha ensuite depuis l'organisation de nouvelles élections). En 1970 et en 1982, il brigue à nouveau mais sans succès la présidence de la République. En 1968, il est à la tête d'une coalition à forte couleur confessionnelle chrétienne qui remporte les élections législatives. 1968 marque aussi le début d'une série d'attentats auxquels il échappe par miracle.
Dans la guerre qui éclate en 1975, Chamoun est de toutes les batailles. Son parti, le Parti national libéral, créé en 1959, se dote rapidement d'une milice armée, les Tigres. Ses hommes déclenchent la fameuse bataille autour du camp palestinien de Tall az-Za’tar pendant l'été de 1976. Il accepte l'entrée de l'armée syrienne à Beyrouth, pour être assez vite à la tête de ceux qui exigent son retrait.
Il est des premiers à[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Ghassan SALAMÉ : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'Institut d'études politiques de Paris
Classification
Autres références
-
LIBAN
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis , Elizabeth PICARD et Éric VERDEIL
- 26 390 mots
- 18 médias
Un autre maronite d'envergure, aux sympathies probritanniques, Camille Chamoun, lui succède dans une atmosphère de crise. Porté par le consensus éphémère de ses pairs et assisté d'un Premier ministre modéré, Sami Solh, il met en œuvre une série de réformes : nouvelle loi électorale qui affaiblit l'oligarchie...