JORDAN CAMILLE (1838-1921)
Groupes finis
Malgré les efforts de Liouville, l'œuvre d'Évariste Galois était restée à peu près totalement inconnue du monde des mathématiques (seul Leopold Kronecker avait utilisé certains de ses résultats), et c'est à Jordan, avec son Traité des substitutions et des équations algébriques, publié à Paris en 1870, que l'on doit le premier exposé systématique de théorie des groupes, enrichi de dix années de recherches personnelles. Il s'y limite aux groupes finis, plus précisément aux groupes de permutations, et introduit de nombreux concepts nouveaux, comme la notion abstraite de représentation d'un groupe sur un autre ou celle de groupe quotient ; c'est lui qui dégage l'importance intrinsèque des facteurs de composition en démontrant la première partie du théorème dit de Jordan-Hölder, celle qui affirme l'invariance des indices des groupes consécutifs dans toute décomposition maximale (cf. groupes – Groupes finis).
Dans des mémoires ultérieurs, Jordan étudie en détail, essentiellement du point de vue des facteurs de composition, le groupe linéaire et les groupes orthogonaux et symplectiques sur un corps premier fini (cf. groupes – Groupes classiques et géométrie). L'application de ces résultats au groupe de Galois d'équations qui interviennent dans la théorie des fonctions abéliennes donne des propriétés spectaculaires de ces fonctions et des configurations géométriques qui leur sont liées : trisection des périodes des fonctions quadruplement périodiques, liée aux vingt-sept droites d'une surface cubique et aux seize droites des surfaces du quatrième degré à conique double, détermination des seize points doubles de la surface de Kummer, etc.
Ce sont les équations différentielles qui ont conduit Jordan, à la suite des travaux de Lazarus Fuchs et de Felix Klein, à l'étude des sous-groupes finis du groupe GL (n, C) des matrices n × n à coefficients complexes qui sont inversibles ; en effet, ce problème correspond à la recherche des équations différentielles linéaires d'ordre n admettant des solutions algébriques. En plus d'énumérations (d'ailleurs incomplètes) pour n = 3 et n = 4, on doit à Jordan un profond théorème de finitude qui peut s'énoncer ainsi : Il existe une fonction ϕ(n) telle que tout groupe fini G de matrices d'ordre n contienne un sous-groupe distingué diagonalisable dont l'indice dans G soit inférieur à ϕ(n). Les études de Jordan sur le groupe linéaire font intervenir des considérations sur la réduction des matrices, et, en particulier, la forme dite de Jordan.
D'autres mémoires sont relatifs aux propriétés de primitivité et de multiple transitivité des sous-groupes du groupe symétrique Σn des permutations de n objets. À l'exception des groupes symétriques et alternés, on ne connaît qu'un nombre fini de groupes de permutations qui sont plus de trois fois transitifs. À la suite de E. Mathieu, Jordan obtient de nombreux résultats tendant à limiter le nombre de ces groupes ; c'est ainsi qu'appliquant les tout récents théorèmes de Sylow il montre que, si p est premier et si k est strictement supérieur à 2, les seuls sous-groupes de Σp+k qui sont plus de k fois transitifs sont symétriques ou alternés. Le résultat essentiel est ici un difficile théorème de finitude qui affirme l'existence d'une constante A telle qu'un sous-groupe primitif G de Σn ne contenant pas le groupe alterné d'ordre n ne peut être de classe c que si :
(Jordan désigne par classe d'un sous-groupe G de Σn le plus petit entier c ≥ 1 tel qu'il existe une permutation de G distincte de l'identité qui déplace seulement c objets).
Indiquons enfin les efforts de Jordan pour déterminer tous les groupes résolubles finis en réponse au problème, posé par Niels[...]
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Écrit par
- Jean-Luc VERLEY : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII
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