PISSARRO CAMILLE (1830-1903)
Techniques, styles, sujets
Contrairement à d'autres impressionnistes, Pissarro n'est pas seulement un peintre. Il est, avec Degas, un des grands dessinateurs du groupe. En effet, le dessin était pour lui non seulement une technique d'étude de plein air, mais également, pour beaucoup de ses tableaux, une étape essentielle dans la détermination du motif et dans la mise en place de la composition. Ses paysages, comme ses intérieurs et ses portraits, dénotent ainsi une attention soutenue à la construction et à l'emploi raisonné des moyens picturaux, sans perdre pour autant la spontanéité de la peinture en plein air. Cet intérêt pour les arts graphiques s'étend également, chez lui, à l'estampe, où se sent, à l'origine, l'emprise d'un Degas, avec lequel il travaille autour de 1880. Pissarro est ainsi l'auteur de lithographies, de pointes sèches et d'eaux-fortes, et il participe pleinement au renouveau de l'eau-forte en couleurs. Mais il ne cherche pas à diffuser ses estampes (il en donne à ses amis ou à ses proches, et l'essentiel fut révélé lors des ventes de son atelier, en 1928-1929). Elles restaient pour lui d'ordre privé : « je ne suis pas graveur, ce sont simplement des impressions gravées », « je ne les fais que par passe-temps », écrivait-il ainsi à son fils Lucien en 1891.
En peinture, Pissarro ne s'est pas arrêté à un style unique, évoluant plus particulièrement au gré de ses rencontres. Son compagnonnage avec Cézanne, des années 1860 aux années 1880, est le mieux connu. « Cézanne [...] a subi mon influence à Pontoise et moi la sienne », écrira-t-il encore à Lucien. « Ce qu'il y a de curieux, c'est que dans cette exposition de Cézanne chez Vollard [il s'agit de l'exposition rétrospective de 1895] on voit la parenté qu'il y a dans certains paysages d'Auvers, Pontoise et les miens. Parbleu, nous étions toujours ensemble ! Mais ce qu'il y a de certain, chacun gardait la seule chose qui compte, „sa sensation“ ! ». N'en avait-il pas été quelque peu de même avec Monet, autour de 1870 ? Ce dialogue permanent, aussi bien avec ses aînés que ses contemporains et ses cadets, est encore plus évident en 1885-1890, avec sa période « pointilliste » inspirée par le divisionnisme de Seurat.
Mais Pissarro a surtout su renouveler, au sein du paysage, des approches et des sujets, très variés chez lui : vues panoramiques, routes et voies ferrées aux cadrages étudiés, figures dans la campagne et vues urbaines. Dans le mouvement général de réappréciation, sous cet angle, de la peinture impressionniste, on s'est surtout interrogé sur sa représentation de la ruralité ou de la vie urbaine au travers, notamment, de ses séries de vues de Paris ou de Rouen. On se plaît, peut-être avec trop de systématisme, à y retrouver l'écho de ses réelles préoccupations sociales et de ses opinions politiques anarchistes (évidentes dans son recueil de dessins de 1890, Turpitudes sociales). C'est dire la richesse d'une œuvre qui reste sinon à découvrir, du moins peut-être à mettre à sa place, une des premières, dans l'évolution de l'art de la seconde moitié du xixe siècle.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Médias
Autres références
-
CÉZANNE PAUL (1839-1906)
- Écrit par Barthélémy JOBERT
- 3 970 mots
- 7 médias
Le couple passe la guerre de 1870-1871 en Provence, puis revient s'établir à Paris. Chargé de famille, Cézanne, sur les instances de Pissarro, s'installe alors à Pontoise, puis à Auvers-sur-Oise (il y habite chez le docteur Gachet), où tous deux travaillent en commun. Il y exécute quelques estampes,... -
IMPRESSIONNISME
- Écrit par Jean CASSOU
- 9 484 mots
- 32 médias
...Degas. Celui-ci s'est toujours montré réticent devant l'opinion générale du groupe, réfractaire à ses plans et ses intentions. Peut-être serait-ce avec Pissarro que cette opposition se marque plus particulièrement. Peut-être est-ce avec cet homme qui est en relations avec les milieux anarchistes et qu'inspire... -
LE DÉCOR IMPRESSIONNISTE. AUX SOURCES DES NYMPHÉAS (exposition)
- Écrit par Camille VIÉVILLE
- 1 153 mots
- 1 média
La section suivante, « Sens et fonction de l’objet », était la plus limpide. Guidés par une pensée critique – Pissarro regrette l’industrialisation galopante quand Renoir dénonce la mécanisation de la production –, les impressionnistes se sont plu à créer des objets décoratifs. Les intentions... -
NÉO-IMPRESSIONNISME
- Écrit par Pierre GEORGEL
- 1 311 mots
- 8 médias
Mouvement dont l'activité s'affirme avec le plus de cohérence entre 1885 et 1890 environ, et dont Seurat, Signac, Cross, Angrand et Camille Pissarro sont, en France, les principaux représentants. Le néo-impressionnisme se définit d'abord, comme son nom l'indique, par rapport à l'impressionnisme...