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SAINT-SAËNS CAMILLE (1835-1921)

Du théâtre au cinématographe

<em>L’Assassinat du duc de Guise</em>, C. Le Bargy et A. Calmettes - crédits : Affiche de Maxime Desthomas, 1908 - Collection Fondation Pathé

L’Assassinat du duc de Guise, C. Le Bargy et A. Calmettes

Dans ses deux dernières décennies, Saint-Saëns se consacre surtout à des compositions vocales et scéniques (musiques de scène : Andromaque de Racine, 1903 ; La Foi d’Ernest Brieux, 1912 ; On ne badine pas avec l’amour de Musset, 1917) et des œuvres de petite ou moyenne dimension : pièces pour piano, mélodies, chœurs religieux et profanes, sonates en duo. Dans ses goûts musicaux, il est toujours resté un conservateur endurci, ne cachant pas son hostilité envers l’évolution du langage musical et des compositeurs tels que Debussy, Richard Strauss et Stravinski. En même temps il s’est montré ouvert au développement de nouveaux supports tels que le cinéma (musique pour L’Assassinat du duc de Guise, film d'André Calmettes et de Charles Le Bargy, 1908), et la technique de prise de son : il a enregistré plusieurs de ses pièces pour piano (dont Rhapsodie d’Auvergne, Valse mignonne) ainsi que l’Impromptu no 2 de Chopin, qui attestent de sa parfaite maîtrise technique. Il a par ailleurs contribué à la redécouverte de nombreuses œuvres du passé, dont celles de Gluck, Marc Antoine Charpentier et surtout Rameau, dont il supervisa l’édition complète chez Durand.

Sa curiosité d’esprit scientifique l’a amené à se passionner pour la botanique, l’archéologie et particulièrement l’astronomie ; ami de Camille Flammarion, il devint membre de la Société astronomique de France fondée par ce dernier.

Saint-Saëns laisse une œuvre surabondante, certainement inégale, avec de nombreuses compositions restées inédites. Si, de son vivant, il a reçu tous les honneurs souhaitables, la postérité s’est montrée lourdement injuste envers lui, le taxant de froideur et d’académisme, alors qu’une écoute attentive perçoit la profonde charge émotionnelle qui imprègne nombre de ses pages, tout en gardant ses distances envers le romantisme échevelé et les ombres du symbolisme. Sa science du métier classique, garante d’une clarté de la forme et du langage, est mise au service d’une vigueur de souffle structurée par une intense vitalité rythmique, autant que d’une riche invention mélodique rehaussée d’exotisme, fruit de ses attaches nord-africaines. Son orchestration à la fois sonore et transparente est capable d’une grande puissance comme d’un jeu subtil de coloris annonçant parfois l’impressionnisme. Enfin, il manie magistralement l’humour en musique, autant que dans ses écrits. Si le milieu du xxe siècle, dominé par les avant-gardes, lui a fatalement été défavorable, les dernières décennies le voient connaître une nette revalorisation.

Les manuscrits musicaux de Saint-Saëns ont été confiés à la bibliothèque du Conservatoire de Paris et se trouvent désormais au département musique de la Bibliothèque nationale de France. À Dieppe, le Château-Musée accueille son immense legs documentaire, notamment le corpus de sa correspondance et divers documents personnels. L’inventaire et le classement en avaient été d’abord entrepris par son secrétaire Jean Bonnerot, qui lui a consacré une première biographie. Le flambeau de la recherche a été repris à partir des années 1960 sous la direction d’Yves Gérard. En 2005, un comité scientifique fut créé, réalisant plusieurs publications. Depuis 2016, une édition complète de ses œuvres instrumentales, prévue en 39 volumes, est en cours chez Bärenreiter.

— André LISCHKE

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Écrit par

  • : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité

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Médias

Saint-Saëns - crédits : Rischgitz/ Getty Images

Saint-Saëns

<em>Samson et Dalila</em>, G. Moreau - crédits : Heritage Images/Fine Art Images/ Akg-images

Samson et Dalila, G. Moreau

<em>L’Assassinat du duc de Guise</em>, C. Le Bargy et A. Calmettes - crédits : Affiche de Maxime Desthomas, 1908 - Collection Fondation Pathé

L’Assassinat du duc de Guise, C. Le Bargy et A. Calmettes

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