BOITO CAMILLO (1836-1914)
Le climat de renouvellement politique et culturel qui caractérise le xixe siècle européen engage académies et milieux professionnels dans un débat qui, dans les différents pays, se soumet à un idéal commun : la création d'une nouvelle architecture, « moderne, indépendante et nationale ». Camillo Boito est, dans l'Italie de la seconde moitié du siècle, le théoricien le plus notable qui vise à relier tâche civile et action culturelle.
Architecte médiévaliste, publiciste et historien formé à l'Académie des beaux-arts de Venise, Boito commence une carrière précoce en succédant à Selvatico, en 1855, à la chaire d'esthétique et d'histoire de l'architecture. L'anticlassicisme de Selvatico réprouvait aussi bien la « pédanterie timide des vulgarisateurs de Vitruve » que les « graticules de l'École polytechnique de Paris » (Durand). Cette position est reprise par Boito dans son discours inaugural contre l'abus des rapports arithmétiques et les modules de Vignole.
L'expérience pédagogique vénitienne de Boito ne dure que quelques mois ; à la fin de 1856, il s'établit en Toscane, et ses premiers articles sur le gothique florentin et sur les Cosmates paraissent dans Lo Spettatore et dans le Giornale dell'ingegnere, architetto ed agronomo. En 1860, il remplace Friedrich Schmidt à la chaire d'architecture de l'académie de Brera ; il y restera quarante-huit ans. Toute une génération d'architectes se forment sous son enseignement, dont L. Beltrami, L. Broggi, G. Sommaruga... Mais aucun de ces artistes n'a su s'affranchir des équivoques stylistiques qui marquent l'architecture romantique européenne. L'enseignement de Boito s'inspire scrupuleusement d'un regard d'historien : « Toute chose vulgaire qu'il n'est pas permis de cacher sans dommage, rentre dans l'art. » C'était bien là un premier pas pour se libérer d'un certain passé.
Les indices d'une réévaluation historiographique du Moyen Âge apparaissent, tout d'abord en Italie, dans les écrits d'Amati et de Cicognara. Mais Boito est le premier à proposer ces valeurs à titre de fondement d'un « style national ». En 1872, paraît dans La Nuova Antologia un texte important : « L'Architettura della nuova Italia » ; successivement repris et amplifié, il sert d'introduction à L'Architettura del Medio Evo in Italia, sous-titré : « Sullo stile futuro dell'architettura italiana » (1880)... « Maintenant nous avons les bâtiments et les architectes, mais non pas l'architecture... de la tyrannie arithmétiquement classique ne pouvait pas ne pas naître le chaos présent. Qui sait ? De cette anarchie surgira le vrai art qui est liberté de fantaisie associé aux règles de la raison. » Raison plus fantaisie, ou bien « architecture-organique » plus « architecture-symbolique », constituent, dans son hypothèse, le binôme fondamental sur lequel bâtir la nouvelle architecture. Cependant, le binôme science-poésie ne pourra suffire, car « l'homme tout seul est impuissant » et la création demande « l'apport de la société civile tout entière ». Changer le style de l'architecture est donc une sorte de « révolution sociale » qui, pour ne pas être coupée du peuple, doit avoir un caractère national. Le projet de l'architecte est ici comparé à une opération de choix et d'assemblage linguistique. Il poursuit le rêve d'une architecture comme celui d'une langue nationale, « une langue abondante de paroles et de phrases, libre dans la syntaxe, imaginative et exacte, poétique et scientifique, laquelle se prête parfaitement à exprimer les concepts les plus ardus et les plus divers. L'essence d'une telle langue, nous pourrons la trouver dans l'architecture de Lombardie[...]
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Écrit par
- Marilù CANTELLI : architecte, historienne de l'art
Classification
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