CAMISARDS
Nom donné aux calvinistes cévenols révoltés à la fin du règne de Louis XIV et qui vient du patois languedocien camiso, chemise, parce qu'ils portaient, dans leurs opérations nocturnes, une chemise blanche sur leurs vêtements pour se reconnaître entre eux. Alors qu'ils paraissaient résignés à abjurer, l'édit de révocation de Fontainebleau (1685) attise leur résistance. Le contexte international les encourage : publication en Hollande d'un livre de Jurieu sur l'accomplissement des prophéties, ou la délivrance prochaine de l'Église en 1686, arrivée au pouvoir d'un prince protestant, Guillaume III d'Orange, en Angleterre, guerre de la ligue d'Augsbourg. Mais la paix de Ryswick en 1697 les déçoit. De nouveaux « prodiges » éclatent en Languedoc et aux Pays-Bas en 1700. L'intendant Lamoignon de Basville, une des figures centrales du drame de la révocation, demande à la cour une répression impitoyable. L'abbé du Chayla, inspecteur des Missions pour l'évêque de Mende, y met tant d'ardeur qu'il est assassiné en 1702. C'est le signal de la révolte. Jusqu'alors, les prédications de la religion proscrite et les assemblées dans les montagnes cévenoles se tenaient dans le calme. Malgré les ordonnances prescrivant leur désarmement (1688-1690), les « nouveaux convertis » disposent d'armes. Leur soulèvement déconcerte l'intendant. Une guerre de partisans commence ; leur premier chef, Gédéon Laporte, est tué très tôt, son neveu, Pierre Laporte, dit Roland, lui succède, secondé par un garçon de vingt-deux ans, berger devenu boulanger : Jean Cavalier. Les religionnaires brûlent d'une ardeur mystique non moins exterminatrice que la rage de leurs ennemis. Dans les Cévennes, ils demeurent insaisissables ; ils débouchent en Rouergue ou en Méditerranée, se réfugient à Lyon ou à Avignon, gagnent la Suisse ou les vallées alpestres du Dauphiné ; ils sont en relation avec les États protestants et espèrent compter, après une défaite de Louis XIV, sur les sentiments plus tolérants du pouvoir. Ils s'enfuient en Hollande ou au Brandebourg et envisagent un débarquement protestant en Provence.
Pendant six mois, Basville entend réduire seul la révolte et le secrétaire d'État Chamillart temporise. Ce répit permet aux camisards de s'organiser. Au début de 1703, l'évidence d'une guerre civile décide le roi à envoyer dans les Cévennes des armées sous le commandement de Victor Maurice de Broglie et du féroce maréchal de Montrevel. La terreur règne. On roue, on massacre ; 300 huguenots sont brûlés dans un moulin ; de leur côté, les camisards supplicient les prisonniers. Comme des secours leur viennent de l'étranger, il faut mobiliser contre eux une armée avec l'artillerie. En septembre 1703, le roi accepte une proposition de Basville : détruire 460 villages du haut pays ; l'hiver venu, les soldats chassent des familles entières, les rebelles meurent de faim et de froid. Le roi décide enfin de mener une politique d'apaisement. Il fait appel au maréchal de Villars, qui promet la liberté de conscience, la délivrance des prisonniers, la fin des supplices. Le baron d'Aigalliers, gentilhomme protestant, l'aide à convaincre Cavalier, qui accepte finalement un brevet de colonel, 1 200 livres de pension et le commandement d'un régiment. Roland trouve la mort dans une ultime résistance. Basville organise la répression judiciaire. Il est difficile d'évaluer le nombre des victimes, on peut parler de 12 000 sans risque d'exagération. La lutte se prolonge jusqu'en 1713 ; des marginaux aggravent les désordres : camisards noirs pour les huguenots ; blancs, ou cadets de la croix, pour les catholiques qui se transforment en véritables bandits.
Cette révolte n'est pas une jacquerie, ses buts se[...]
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Écrit par
- Louis TRENARD : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille
Classification
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