CAMPANIE
Complexité du Moyen Âge
La complexité des forces qui s'exercent en Campanie depuis la chute de l'Empire romain fait du Moyen Âge une des périodes les plus intéressantes de l'histoire de cette province. Du ve au xie siècle, c'est la lutte entre les Lombards venus du nord et les Byzantins qui dominent toute l'Italie méridionale. Les Lombards s'installent dans la partie de la Campanie qui correspond à la Terre de Labour (Terra di Lavoro) et au pays samnite, c'est-à-dire dans la région de Capoue et de Caserte, et font de Bénévent leur capitale ; ils créent également le duché de Salerne. Seule Naples réussit à garder une certaine autonomie. Au xie siècle triomphent les Normands appelés à l'aide par les belligérants. La Campanie fait alors partie d'un regnum Siciliae, et n'a plus de vie indépendante. Les Normands sont remplacés, de 1190 à 1268, par la dynastie souabe des Hohenstaufen dominée par la figure exceptionnelle de Frédéric II, qui fonde en 1224 l'université de Naples. Mais l'opposition des Hohenstaufen aux papes entraîne l'intervention du frère de Saint Louis, et, après les batailles de Bénévent et de Tagliacozzo, les Anjou vont jusqu'en 1442 déterminer le sort de la Campanie. Naples redevient capitale du royaume.
Pendant plusieurs siècles ont donc affleuré les composantes culturelles les plus variées, paléochrétiennes (baptistère de Naples, ensemble de Cimitile), carolingiennes, byzantines, lombardes, musulmanes même, et elles ont suscité des formes d'art d'une extrême complexité. Les ouvrages consacrés à l'art du Moyen Âge en Italie du Sud font avec peine le partage entre les influences lombardes et les influences byzantines : un monument comme Sainte-Sophie de Bénévent, réalisé par un maître lombard sur des schémas byzantins, n'a pas été expliqué de façon satisfaisante.
Il faut ajouter le phénomène d'une portée extraordinaire qu'est en 525 la fondation du Mont-Cassin, et, surtout, au xie siècle, la construction de l'abbaye par Desiderius. L'influence bénédictine rayonne alors sur toute la Campanie ; elle hérite de Rome la forme architecturale traditionnelle du classicisme antique : la basilique ; mais c'est de Constantinople que viennent les décorateurs. Les bâtiments du Mont-Cassin ont été détruits, mais l'église de Sant'Angelo in Formis, à quelques kilomètres de Capoue, atteste cette rencontre entre des éléments latins et une décoration byzantine dont témoignent les admirables fresques.
Mais l'hiératisme de Sant'Angelo se colore aussi d'un réalisme local qu'il faudrait chercher, plus marqué, dans les peintures de certaines grottes. Il n'y a pas eu, en Campanie, d'architecture rupestre comme en Lucanie ou dans les Pouilles. Ces petits sanctuaires sont plutôt des oratoires ruraux que des centres érémitiques de type basilien : les peintures de la grotte des Saints, près de Calvi, ont les couleurs naïves des ex-voto populaires, tandis que la splendide Dormition de Santa Maria in Grotta, près de Rongolise, a des accents byzantino-macédoniens. Près d'Olevano sul Tusciano, au sud de Salerne, s'ouvre une immense grotte naturelle avec sept chapelles à coupoles, dont la structure rappelle les trulli des Pouilles. La consécration à saint Michel rattache cet ensemble au célèbre sanctuaire du Gargano et le place sur la route des pèlerinages, ouvert à toutes les influences.
Influences les plus lointaines puisque les Arabes, arrivés par l'intermédiaire de la Sicile, ont eux aussi laissé leur empreinte : coupoles des églises (Gaète, Salerne, Capri et les cités côtières), entrelacs aériens du cloître d'Amalfi ou du palais Rufolo à Ravello, polychromie des pierres de Caserta Vecchia ou de Salerne.
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Écrit par
- Noëlle de LA BLANCHARDIÈRE : conservateur de la bibliothèque de l'École française de Rome
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