CANADA Espace et société
Capitale | Ottawa |
Langue officielle | Français , Anglais |
Population |
40 097 761 habitants
(2023) |
Superficie |
9 984 670 km²
|
Article modifié le
Régions et régionalismes
L’organisation administrative contribue à la diversité géographique au Canada, notamment par le découpage du pays en dix provinces et trois territoires, qui sont autant d’espaces d’intervention différents de leur gouvernement respectif. Dans l’Est et dans le Centre, il est venu consolider des régions qui s’étaient formées au fil du peuplement et des premières transformations de l’espace économique du pays. Dans l’Ouest, il a plutôt préfiguré les régions, contribuant ainsi à orienter le développement. Partout au Canada, les frontières provinciales marquent les appartenances et les identités et elles ont fait naître des régionalismes qui s’activent selon les conjonctures. Leur réconciliation est l’un des principaux enjeux auxquels est aujourd’hui confronté le Canada.
Au-delà des provinces, des régions plus vastes, bien qu’elles n’aient aucune existence légale, font aussi partie de la carte mentale des Canadiens. Les avis divergent toutefois sur leur nombre et leur composition. On distingue généralement six grands ensembles régionaux, incluant le Québec et l’Ontario. Si l’économie de ces deux provinces les rapproche, la société, la culture et la politique les différencient. Les quatre autres grands ensembles font plus largement consensus parmi les géographes du Canada : l’Est, ou si l’on préfère le Canada atlantique – les provinces maritimes et Terre-Neuve-et-Labrador ; les Prairies ; la Colombie-Britannique ; et bien sûr le Nord, qui correspond plus ou moins aux trois territoires du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Des éléments de leur géographie respective affirment leur spécificité : environnement naturel, configurations de l’espace habité, populations, activités économiques, culture, etc. Le rapport qui les unit aux lieux et aux territoires et les identités qu’ils nourrissent les différencient tout autant.
Le Canada atlantique : espace fragmenté
La mer est omniprésente dans le Canada atlantique qui s’organise autour d’un ensemble de petites localités nichées le long de la côte. À Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, ces localités sont le plus souvent des ports de pêche. À l’Île-du-Prince-Édouard s’ajoutent des communautés agricoles et au Nouveau-Brunswick de petites villes forestières. L’ensemble ainsi formé est très peu intégré, si ce n’est par l’action centralisatrice de quelques plus grandes villes. Halifax, capitale de la Nouvelle-Écosse et plus importante agglomération du Canada atlantique, jouit d’un imposant complexe portuaire et agit comme le principal centre de services de la région. Saint Jean, au Nouveau-Brunswick, en est le moteur industriel, Moncton, ville la plus populeuse de la province et plaque tournante du transport régional, a profité du bilinguisme d’une bonne partie de sa population pour devenir un haut-lieu du télémarketing et autres services téléphoniques. St. John’s dessert la population de l’île de Terre-Neuve et du Labrador voisin. Par ailleurs, aucune n’a vraiment réussi à s’imposer comme capitale régionale. En outre, le manque d’unité du Canada atlantique et la forte dispersion de la population restent ses principales caractéristiques.
Si cette fragmentation a nourri un fort localisme, l’enracinement de la population a aussi favorisé celui-ci comme on peut l’observer en Acadie. Depuis la Confédération, une conscience régionale s’est développée dans les provinces maritimes, née du sentiment partagé d’en avoir été les laissés-pour-compte. C’est ainsi que le mouvement des droits des Maritimes a émergé dans les années 1920 pour protester contre l’influence décroissante de la région à l’intérieur du Canada. Les avantages économiques du fédéralisme ont toutefois su rallier les provinces maritimes, qui en sont aujourd’hui de fidèles supporteurs. L’allégeance au Canada est plus faible à Terre-Neuve, dont l’histoire partagée avec le Canada est beaucoup plus récente, puisque la province n’a rejoint la Confédération qu’en 1949.
Le Québec : culture, identité et territoire
Le fleuve Saint-Laurent, porte d’entrée de la France sur le continent et structure de base du peuplement francophone sur ses abords, puis dans l’arrière-pays, constitue le point fort de la géographie du Québec. Montréal, où habite un Québécois sur deux et qui en est la locomotive économique, scientifique et culturelle, est un autre élément structurant du territoire québécois. L’influence de Québec, siège de l’administration provinciale, se fait sentir davantage sur l’est de la province. Entre les deux villes et à leur pourtour, villages et villes petites et moyennes, centres de services pour une agriculture devenue industrielle et lieux de redéploiement du secteur manufacturier animent le territoire. Au nord de la province, les « régions-ressources » et leurs « capitales régionales » évoluent au rythme du cours des produits qui les ont fait naître : or et cuivre pour l’Abitibi-Témiscamingue, pâtes et papiers ainsi qu’aluminium pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord. Par-delà sa diversité interne, le territoire québécois se caractérise par une remarquable continuité : langue, culture, territoire sont ici indissociables, tant dans le paysage que dans l’imaginaire.
Depuis la révolution tranquille, l’État québécois intervient activement sur le territoire. D’abord motivées par la volonté de contrer les inégalités socio-économiques entre ses différentes composantes, ses actions sont aujourd’hui dictées par la montée en force de nouvelles attentions pour le patrimoine, le paysage, le tourisme, l’environnement. Le Québec est particulièrement attentif aux enjeux liés à la culture et au développement régional. C’est ainsi que la lutte contre la dévitalisation du milieu rural se fait comme ailleurs au Canada au nom de l’enracinement, de l’attachement au pays et de la qualité de vie, mais aussi dans le but de préserver un territoire chargé d’histoire et de culture. La question culturelle, qui est au cœur même de l’identité québécoise, teinte irrémédiablement tout rapport qu’entretient la province avec le reste du pays.
L’Ontario : entre pays et province
Situé sur les rives de cette mer intérieure que forment les Grands Lacs et à proximité des États-Unis, l’Ontario s’est hissé grâce aux loyalistes et aux autres immigrants britanniques au rang de cœur économique et financier du Canada. La province bénéficie de la très grande diversité de son cadre géographique. Au sud, une large plaine est densément occupée par une agriculture intensive et un réseau de villes bien structuré. Au nord, l’immense territoire forestier du Bouclier et des ressources minières contribuent aussi à sa prospérité, quoique de façon inégale dans le temps et dans l’espace. La quasi-absence de liaison entre les deux couloirs de développement de la région que sont la route 11 et la route 17 s’y révèle, par ailleurs, une contrainte importante. Le quart de la population du Canada habite dans la grande région métropolitaine, qui s’étend, en fer en cheval, depuis Oshawa jusqu’à St. Catharines en passant par le Grand Toronto. Légèrement excentrée, la ville d’Ottawa fait le pont entre l’Ontario et le Québec.
Un fort localisme caractérise aussi l’Ontario. Il est amplifié par le fait que les municipalités interviennent sur plusieurs dossiers à forte incidence territoriale, depuis le logement social jusqu’à l’intégration des immigrants. Le gouvernement provincial leur a transféré plusieurs de ses pouvoirs au fil du temps, si bien qu’il agit peu sur les appartenances. Le palier fédéral constitue, en revanche, un important lieu d’identification. L’Ontario détient plus du tiers des sièges au Parlement. Par conséquent, tant ses élus que ses citoyens ont tendance à ne pas distinguer entre leur province et le pays tout entier. Dans un essai sur les régionalismes au Canada qui fait aujourd’hui référence, le géographe Cole Harris l’a souligné sans équivoque : l’Ontario confondrait aisément entre tout et partie, entre pays et province.
Les Prairies : isolement et régionalisme
Une immense plaine parsemée de fermes solitaires, de petits hameaux, de quelques centres régionaux de services et de cinq villes plus importantes : les Prairies canadiennes sont un pays de distance, de dispersion et d’isolement. Cette région intérieure du Canada, grenier à blé devenu exportateur de pétrole, est à l’image du Canada, particulièrement sensible aux fluctuations de leurs prix sur les marchés internationaux. Les trois provinces et leurs principales villes ont chacune leur personnalité. Porte d’entrée de l’Ouest canadien, le Manitoba a une économie plus diversifiée que les autres provinces des Prairies, reposant sur l’agriculture, l’exploitation minière et l’industrie manufacturière. Elle compte une seule ville d’importance, Winnipeg, sa capitale, où habite plus de la moitié de la population de la province. La Saskatchewan est restée plus agricole, Saskatoon et Regina s’affirmant comme centres de distribution et de services respectivement pour le nord et le sud de la province. Quant à l’Alberta, elle a misé presque exclusivement sur l’exploitation de ses sables bitumineux depuis le tournant du xxie siècle. Son corridor métropolitain, d’Edmonton à Calgary, accueille aujourd’hui trois Albertains sur quatre.
La ruralité, couplée à un grand attachement à la communauté locale, est au cœur de l’identité des Prairies. La diversité culturelle, fortement ancrée dans le territoire, contribue aussi au localisme. Souffrant d’une certaine dépendance économique, la région a développé une grande méfiance envers le gouvernement central et une forte tendance au repli sur soi. Celui-ci s’est manifesté par un haut degré d’interventionnisme de l’État provincial dans l’économie et la politique sociale. C’est ainsi que l’Alberta a mis sur pied les premières instances de planification régionale au Canada en 1950. Mais le conservatisme de certains gouvernements, conjugué aux impératifs plus immédiats en période de crise, a fait qu’ils ont accordé plus ou moins d’importance à la planification urbaine et régionale depuis lors.
La Colombie-Britannique : un environnement à protéger
Terre de contrastes, la géographie de la région la plus occidentale du Canada oppose la côte et l’intérieur. Dominée par le Grand Vancouver, la côte regroupe plus de 60 % de la population de la Colombie-Britannique. Cette ville joue le rôle de cœur économique et culturel de la province. Ladite « côte » n’occupe qu’une infime partie du territoire : la vallée du bas Fraser, à l’extrême sud-ouest de la province, et les parties sud et est de l'île de Vancouver. Le reste appartient à une vaste zone intérieure de plateaux et de montagnes, domaine de la forêt et des mines. La population s’y est établie le long d’étroites vallées qui s'étendent du nord au sud, telle celle de l’Okanagan, devenue un haut-lieu de l’industrie touristique.
Alors que plus de 3 500 kilomètres séparent Vancouver d’Ottawa, la Colombie-Britannique évolue à son propre rythme, qui est dicté par sa participation à la grande région pacifique. L’environnementalisme y jouit d’un ancrage profond et s’y manifeste sous diverses formes : agriculture biologique, protection des écosystèmes menacés, énergies renouvelables. Vancouver jouit d’une réputation unique en matière de qualité de vie à l’échelle nord-américaine. Les édiles locaux invoquent le caractère audacieux des politiques d’aménagement ainsi que leurs effets sur la morphologie des villes et les pratiques de leurs citoyens. Mais l'équilibre entre la protection de l'environnement et le développement économique reste un défi dans cette province, dont l’économie repose en grande partie sur l’exploitation des ressources. Le transit du pétrole et du gaz albertains par son propre territoire soulève de vives tensions avec la province voisine, notamment au sujet de l’extension du pipeline Trans Mountain.
Le Nord : autochtonie et « grandes affaires »
Le Nord correspond à l’ensemble formé par les trois territoires du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. On pourrait y inclure aussi le Nunavik, au nord du Québec, qui partage plusieurs caractéristiques et aspirations du Nunavut voisin, voire de la partie septentrionale de toutes les autres provinces à l’exception des provinces maritimes. Le Nord est la région la plus étendue du Canada, la moins occupée et la moins connue. Dans son ouvrage fondateur sur la nordicité canadienne paru en 1975, Louis-Edmond Hamelin partageait le Nord en trois grands domaines qui s’étirent en longues bandes est-ouest et qui « recouvrent les distinctions thématiques entre la taïga et la toundra, entre le Subarctique et l’Arctique, entre le pack saisonnier et le pack permanent, entre les régions à éclairage (ou obscurité) partiel ou total, entre les aires indiennes et inuit. » Le réchauffement climatique, deux fois plus rapide au Canada que dans le reste du monde et plus rapide dans le Nord que dans le reste du pays, les a, depuis, largement repoussées vers le nord.
Le territoire nordique du Canada est marqué par un important clivage entre le Nord autochtone, sous-développé, et le Nord des « grandes affaires », largement dominé de l’extérieur, qui est venu en bouleverser les fondements traditionnels. La dichotomie n’est cependant pas totale, les Autochtones bénéficiant des retombées des grands projets d’exploitation des ressources du Nord dans lesquels ils sont de plus en plus engagés, et ce, à tous les points de vue. Le règlement de la question des droits territoriaux des Autochtones est indispensable à une réelle intégration de ces deux mondes. Elle soulève de vives controverses chaque fois que de nouvelles activités économiques se profilent pour la région. Ses répercussions dépassant largement la grande région nordique, l’enjeu est national. Il s’agit d’un des plus grands défis auxquels est confronté le Canada d’aujourd’hui.
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Écrit par
- Anne GILBERT : professeure émérite, département de géographie, université d'Ottawa, Ontario (Canada)
Classification
Médias
Autres références
-
PALÉOESQUIMAU
- Écrit par Yvon CSONKA
- 68 mots
Le terme paléoesquimaux désigne toutes les populations préhistoriques établies de la rive sibérienne du détroit de Béring au Groenland, en passant par l'Arctique nord-américain, qui manifestent un mode de vie de type esquimau. Elles ont disparu peu après l'arrivée d'immigrants venus d'...
Voir aussi
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