CANADA Histoire et politique

Les « voies ensoleillées » de Justin Trudeau (2015- )

Quand Stephen Harper convoque, en août 2015, des élections générales anticipées pour le mois d’octobre suivant, ses chances de l’emporter semblent encore bonnes. Son gouvernement vient de renouer avec l’équilibre budgétaire, et il annonce des baisses d’impôt. Les partis d’opposition ont alors de nouveaux chefs, et aucun ne semble s’imposer d’emblée. Fort de ses nombreux sièges au Québec et dirigé par un politicien québécois expérimenté et pugnace, Thomas Mulcair, le NPD peut aspirer, pour la première fois, à prendre le pouvoir. Le Parti libéral, en revanche, est dirigé par un jeune leader, Justin Trudeau, fils aîné de Pierre Elliott Trudeau, qui n’a pas encore fait ses preuves. Alors que Mulcair joue la prudence en promettant un budget équilibré et des réformes modestes, Trudeau s’engage à creuser les déficits et à taxer davantage les riches pour mieux redistribuer en faveur de la classe moyenne. Face à un Stephen Harper qui évoque surtout les risques du changement, Justin Trudeau mise sur l’optimisme et la confiance. Il s’impose alors comme le concurrent le plus intéressant et le plus plausible des conservateurs et rallie une grande partie du vote anti-Harper. Le 19 octobre 2015, sa victoire est éclatante. Populaire dans toutes les régions du pays, il obtient 39,5 % des voix et une majorité de sièges (184 sur 338), contre 99 pour les conservateurs et 44 pour le NPD. C’est la fin de l’ère Harper et le début d’un nouvel équilibre politique, qui place de nouveau le Parti libéral sur le devant de la scène. Le soir de l’élection, Justin Trudeau parle des « voies ensoleillées » qui s’ouvrent pour le Canada.

Le nouveau Premier ministre renoue avec les traditions libérales en célébrant la diversité du pays, en augmentant les dépenses publiques, en redistribuant en faveur des familles et en adoptant une approche plus ouverte sur les changements climatiques. Il convoque également une réunion avec les provinces, marquant ainsi sa volonté de favoriser la coopération dans la fédération. Les relations avec les États-Unis se réchauffent aussi, le président Obama voyant dans le jeune Trudeau un politicien proche de sa vision du monde. Le 3 juillet 2016, le Premier ministre participe au défilé de la « Fierté gaie » à Toronto, une première. Un mois plus tard, le 3 août, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, une femme autochtone, annonce la création d’une commission d’enquête sur les violences faites aux femmes autochtones, répondant à une demande formulée depuis plusieurs années. Paritaire, diversifié et jeune, le nouveau gouvernement Trudeau reflète un autre Canada, multiculturel, libéral et cosmopolite. Les divisions du pays ne disparaissent pas pour autant. La question des oléoducs, notamment, pour acheminer le pétrole de l’Ouest à travers la Colombie-Britannique et les provinces du Centre et de l’Est, risque de rompre rapidement l’atmosphère harmonieuse des premiers mois du gouvernement Trudeau.