SUEZ CANAL DE
La réalisation du canal actuel
En 1498, Vasco de Gama doublait le cap de Bonne-Espérance et ouvrait une nouvelle route maritime des Indes. Les négociants de Venise et de Marseille n'en conçurent pas moins, dès le xvie siècle, le projet de restaurer la route de Suez, afin de ramener en Méditerranée, et par conséquent dans leurs ports, la plus grande partie des navires qui les avaient abandonnés. Cependant, aucun projet concret ne fut conçu jusqu'en 1798, date à laquelle le gouvernement français du Directoire organisa l'expédition d'Égypte. L'un des buts de celle-ci était d'étudier les possibilités de percement de l'isthme de Suez, et plusieurs savants, dont Jean-Baptiste Le Père, accompagnèrent Bonaparte pour procéder à ce travail. Le rapport de Le Père parut en 1808 ; malheureusement, par suite d'une erreur de triangulation, il concluait à une différence de près de 10 m entre les niveaux de la Méditerranée et de la mer Rouge, ce qui avait pour effet de compliquer considérablement le schéma proposé. Mais l'idée du percement était lancée, et son application allait rapidement progresser grâce à quelques hommes de talent et de caractère (Louis Maurice Adolphe Linant de Bellefonds, les saint-simoniens et Ferdinand de Lesseps) et à la présence, à la tête du pays, d'un vice-roi épris de progrès, ouvert à toutes les conceptions modernes : Méhémet-Ali.
Ancien officier de marine, ingénieur en chef des travaux de la Haute-Égypte, Linant de Bellefonds, avait, dès 1821, étudié la possibilité de creuser un canal des Deux-Mers, et élaboré deux projets, l'un de percement direct de l'isthme, l'autre de percement combiné, avec l'utilisation des bras du Nil. En 1832, la nomination à Alexandrie du vice-consul de France Ferdinand de Lesseps, dont le père avait été l'ami de Méhémet-Ali, lui apporta un précieux soutien politique. En 1833, un autre événement favorisa son entreprise : le débarquement des saint-simoniens, venus tout spécialement pour réaliser un canal qui ferait de la Méditerranée « le lit nuptial de l'Orient et de l'Occident ». Les saint-simoniens étaient des utopistes, mais aussi de remarquables ingénieurs. Ils mirent en forme techniquement les deux projets de Linant de Bellefonds, s'attachant surtout au second, auquel ils donnèrent une ampleur démesurée qui provoqua l'insuccès de la « Société d'études » qu'ils avaient créée pour le réaliser. Pendant ce temps, Lesseps, placé en disponibilité pour raisons politiques, polissait, dans sa retraite du Berry, le schéma qui allait devenir définitif. Il opta pour le projet du tracé direct ; techniquement, il adopta l'étude des saint-simoniens ; il choisit de demander une concession au vice-roi d'Égypte, et non à son suzerain théorique, le sultan ; enfin, pour dépolitiser le problème, il décidait de présenter avant tout l'aspect commercial de l'entreprise et de créer une compagnie internationale. Le projet de Ferdinand de Lesseps était parfaitement au point ; il ne manquait que l'occasion de le faire adopter ; celle-ci se présenta en 1854 lorsque, Méhémet-Ali étant mort, son fils Mohammed Saïd lui succéda. En effet, si le père de Ferdinand de Lesseps avait été l'ami du premier, lui-même était l'ami du second. Dès son accession au trône, Mohammed Saïd pria Lesseps de venir en Égypte pour lui exposer ses idées sur le développement possible du pays. Le 25 novembre 1854, il signait un acte de concession lui donnant le pouvoir exclusif de constituer une compagnie pour le percement de l'isthme de Suez et l'exploitation du canal entre les deux mers.
Lesseps avait franchi un grand pas, mais il n'avait pas vaincu toutes les difficultés. Le gouvernement britannique craignait très vivement que la nouvelle voie d'eau, créée[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre CALLOT : ancien élève de l'École polytechnique
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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