CANCER Cancer et santé publique
Dans les organismes multicellulaires animaux ou végétaux, chaque cellule constitue une entité soumise à des mécanismes de contrôle et de régulation rigoureux. Sa vie est régie par les informations qu'elle reçoit constamment des cellules et tissus qui l'environnent ; inversement, elle émet à chaque instant des signaux qui informent les autres cellules sur son activité. Cette communication intercellulaire s'effectue par trois grands types de mécanismes :
– le système endocrine dans lequel les substances sécrétées (telles les hormones) passent dans le sang et peuvent ainsi atteindre toutes les régions de l'organisme ;
– le mécanisme paracrine, c'est-à-dire la sécrétion par une cellule de molécules dont la durée de vie est très courte et qui ne peuvent donc atteindre, par diffusion, que les cellules situées à proximité.
– les canaux de jonction intercellulaires liant une cellule aux cellules adjacentes du tissu par lesquels peuvent circuler les radicaux oxydants et d'autres molécules ; ils disparaissent dès les premières étapes de la marche vers l'autonomie cellulaire qui caractérise la cancérogenèse.
Canaux de jonction et substances paracrines sont à l'origine de réseaux intercellulaires à l'intérieur desquels chaque cellule est immédiatement informée des lésions infligées à une autre cellule du réseau (effet bystander).
La croissance d'un organisme pendant la vie embryonnaire puis jusqu'à l'âge adulte est régie par des messagers chimiques. Ceux-ci assurent ensuite la constance rigoureuse du nombre de cellules et de la forme des organes dans l'organisme adulte. La prolifération cellulaire est contrôlée par des facteurs de croissance qui incitent les cellules à se diviser, et les inhibiteurs, qui l'en empêchent. Un exemple illustrera la finesse de ces mécanismes de contrôle : si, par une intervention chirurgicale, on ôte les deux tiers du foie d'un rat, on constate qu'environ douze heures après cette exérèse des milliards de cellules dans le reliquat hépatique se mettent à se diviser. Cette régénération est contrôlée en partie par des substances qui circulent dans le sang puisque, si préalablement à l'hépatectomie on a greffé du tissu hépatique dans un organe où il peut survivre (la rate), celui-ci entre également en prolifération.
Cependant, cette prolifération est étroitement contrôlée car, en quelques jours, le foie retrouve non seulement sa masse initiale, mais aussi sa forme, ce qui nécessite des systèmes paracrines complexes, analogues à ceux qui permettent au foie d'acquérir sa forme au moment de l'embryogenèse. Le contrôle de la prolifération cellulaire est si précis que les cellules arrêtent de se diviser quand le nombre de cellules engagées dans un cycle de division est suffisant pour reconstituer la masse initiale ; dès lors, à nouveau, les cellules ne se divisent plus que pour remplacer celles qui meurent.
Dans une tumeur, les systèmes de régulation de la prolifération ne fonctionnent plus ou fonctionnement mal. Les cancers humains sont, en général, constitués par la descendance d'une seule cellule devenue cancéreuse (origine monoclonale). La transformation d'une cellule normale en une cellule cancéreuse est restée mystérieuse jusqu'aux années 1980, mais on sait maintenant qu'elle est due à l'accumulation d'une série de défauts survenus à l'intérieur de son génome, en général de cinq à douze lésions distinctes. Certaines de ces lésions entraînent une stimulation du cycle cellulaire et de la prolifération ; d'autres résultent du dysfonctionnement des systèmes d'inhibition des déviances cellulaires (cf. Rôle des mécanismes de défense). Mais cette autonomie de la division n'est qu'un des aspects du cancer ; il s'y ajoute un non-respect des règles[...]
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Écrit par
- Maurice TUBIANA : professeur émérite de la faculté de médecine de Paris-Sud
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