CANCER Cancers et virus
Les grandes voies de recherche
La découverte de nouveaux virus tumorigènes est-elle prévisible ?
Selon Harald Zur Hausen, près de 15 p. 100 de l'ensemble des cancers sont d'origine infectieuse, avec une large contribution des virus de différentes familles dans les agents impliqués. Le bilan des virus oncogènes n'est certainement pas terminé.
Pour les virus oncogènes connus, nous distinguerons les tumeurs chez les sujets immunocompétents et chez les sujets immunodéprimés. Chez les immunocompétents, on s'aperçoit que des papillomavirus occupent une place sous-estimée dans la genèse de tumeurs malignes autres qu'ano-génitales, en particulier de l'oro-pharynx et du cou.
Les patients immunodéprimés sont et seront de plus en plus nombreux, qu'il s'agisse d'immunodépressions thérapeutiques (greffés, transplantés...) ou infectieuses (HIV...). On observe chez eux une progression considérable, notamment, des tumeurs à papillomavirus (cancers ano-génitaux, cutanés notamment), des lymphomes à EBV.
De « nouveaux » virus doivent être recherchés dans d'autres types de tumeurs, soit par analogie avec ce qui est connu dans le monde animal (leucémies, cancers du sein, tumeurs cérébrales...), soit sur des arguments épidémiologiques. Ainsi, des cas graves de leucémies ont été rapportés chez l'homme, sans que l'on ait mis en évidence des facteurs environnementaux.
Il peut s'agir de virus authentiquement nouveaux, à découvrir, et les outils modernes de biologie moléculaire devraient multiplier les approches, voire les découvertes, ou bien de virus déjà identifiés mais pour lesquels le lien n'a pas été établi.
On a ainsi évoqué, sans arguments convaincants, un rôle du virus d'Epstein-Barr dans les cancers du sein, gastriques, voire hépatocellulaires... du HCV et du HHV-6 dans les lymphomes, de virus apparentés au MMTV dans le cancer du sein, etc.
Rappelons également que nous sommes porteurs dans notre génome de rétrovirus endogènes, dont la particularité est leur transmission héréditaire, au même titre que les gènes cellulaires normaux... mais nous sommes là, avec le thème des facteurs génétiques prédisposant au développement de cancers, aux limites de la virologie et de la génétique...
Vaccination antivirale et vaccination antitumorale
Pour les tumeurs viro-induites, quand le lien est très fort, des vaccins dirigés contre le virus peuvent être efficaces pour combattre la tumeur. On distingue des vaccins prophylactiques et des vaccins curatifs.
Historiquement, le vaccin contre l'hépatite B a été le premier à démontrer sa capacité à prévenir un processus cancéreux, en l'occurrence le carcinome hépatocellulaire. Ainsi, à Taïwan, il a permis sur une dizaine d'années de réduire l'incidence des hépatomes chez les sujets de six à quatorze ans, qui est passée de 0,7 à 0,36 pour 100 000 après l'instauration d'un programme vaccinal efficace. Plusieurs équipes, dont en France celle de Christian Bréchot et Stanislas Pol ont engagé des immunothérapies actives curatives dans les hépatites chroniques avec des résultats encourageants. Cette approche n'a pas été tentée dans le cas des tumeurs.
Des vaccins prophylactiques contre les papillomavirus ont été commercialisés en 2007. Ils sont à base de pseudo-particules virales (VLP ou virus-like particles) faites de la protéine de capside L1. Contenant les L1 de deux génotypes HPV-16 et HPV-18, ils couvrent théoriquement 70 p. 100 des cancers du col. Ces vaccins, administrés chez des jeunes filles n'ayant pas encore de relations sexuelles, induisent une synthèse d'anticorps sériques qui transsudent à travers la muqueuse génitale pour venir empêcher la fixation des virus au niveau des cellules cibles. Avec un recul de plus de cinq ans, ce vaccin protégerait à 100 p. 100 contre l'apparition des lésions précancéreuses[...]
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Écrit par
- Sophie ALAIN : professeure des Universités, praticienne hospitalier
- François DENIS : docteur en médecine, docteur d'État ès sciences, professeur des Universités en bactériologie, virologie, hygiène
- Sylvie ROGEZ : professeure des Universités, praticienne hospitalier au CHU de Limoges
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