CANCER ET ENVIRONNEMENT
Jusqu'à récemment prévalait l'idée que la plupart des cancers sont causés par notre mode de vie. Depuis la Seconde Guerre mondiale, notre environnement s'est profondément modifié et, simultanément, de nouvelles maladies sont apparues, tandis que d'autres, tels les cancers, sont devenues beaucoup plus fréquentes. Le nouveau paradigme ici proposé est que santé et environnement sont indissociables : nombre de cancers non liés au tabagisme sont causés par la pollution physico-chimique de notre environnement et les facteurs qui en relèvent agissent en complémentarité de ceux qui découlent de notre mode de vie.
Position du problème
De façon certaine ou supposée, différents facteurs de notre mode de vie sont à l'origine de cancers (tabl. 1). Le tabagisme est indiscutablement l'un de ces facteurs, car la fumée de tabac ou les goudrons résiduels contiennent des substances cancérigènes mutagènes, tels les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). En France, où l'on enregistre 280 000 nouveaux cas de cancers par an, ces maladies causent chaque année la mort de 150 000 personnes. Comme dans l'ensemble des pays industrialisés, la part du tabagisme dans ces totaux n'est, au plus, que de 25 %, qu'il s'agisse d'incidence ou de mortalité (tabl. 2), ce qui pose le problème de l'origine des trois quarts des cancers restants.
Tous les scientifiques s'accordent aujourd'hui pour reconnaître que deux étapes sont indispensables à l'émergence d'un cancer dans l'organisme : l'initiation, qui est définie par la survenue de mutations dans une cellule de l'organisme, et la promotion, qui consiste en la stimulation des divisions de cette première cellule mutée, par des facteurs de croissance endogènes et/ou exogènes. C'est la conjonction de ces deux étapes qui conduit à l'apparition du clone cancéreux. Il ne peut donc y avoir de cancer sans mutations. Étant donné qu'on admet généralement que, pour devenir cancéreuse, une cellule doit avoir accumulé de 3 à 6 mutations dans son patrimoinegénétique (son génome), on est donc conduit à proposer un modèle séquentiel de la cancérogenèse, constitué d'une série d'initiations et de promotions.
Or, hormis le tabagisme, il n'est pas de facteurs liés à notre mode de vie dont on ait établi le rôle mutagène. Tous agissent sur la promotion, non sur l'initiation, ce qui implique que les mutations proviennent d'ailleurs, et que cet ailleurs est vraisemblablement environnemental. Tel est l'argument (alias « tenseur scientifique ») qui permet de réfuter avec une quasi-certitude le paradigme actuel faisant du mode de vie la cause principale, si ce n'est exclusive, de l'origine des cancers non liés au tabagisme.
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Écrit par
- Dominique BELPOMME : professeur de cancérologie à l'université de Paris-V, cancérologue à l'hôpital européen Georges-Pompidou, président de l'A.R.T.A.C.
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Médias