- 1. Une tumeur solide est une sorte d’organe
- 2. Le système immunitaire reconnaît les cellules tumorales
- 3. L’environnement tumoral est hostile aux lymphocytes T
- 4. L’immunothérapie des cancers : un concept ancien en pleine expansion
- 5. L’indispensable migration des lymphocytes T
- 6. Les lymphocytes T sont rarement capables d’atteindre les cellules cancéreuses
- 7. Conclusions et perspectives
- 8. Bibliographie
CANCER Immunothérapie
L’immunothérapie des cancers : un concept ancien en pleine expansion
L’idée est donc de faire en sorte que les lymphocytes T reconnaissent efficacement les cellules cancéreuses et les tuent. Manipuler le système immunitaire afin que ce dernier détruise la tumeur est une idée ancienne. Ainsi, à la fin du xixe siècle, un chirurgien américain, William Coley, avait utilisé des lysats bactériens (« toxines de Coley ») pour traiter des patients atteints de cancers appelés sarcomes. L’injection provoquait une fièvre intense et quelques cas de régression tumorale avaient été rapportés à l’époque, mais aussi de nombreux accidents. Bien plus tard, à la fin des années 1950, mais toujours avec la même idée de stimuler le système immunitaire pour éradiquer le cancer, l’injection de souches vivantes du bacille tuberculeux atténué de Calmette-Guérin (BCG) s’avéra efficace dans le traitement de patients atteints de cancer superficiel de la vessie. On sait désormais que ces traitements génèrent une réaction inflammatoire favorable à la mise en place d’une réponse immunitaire antitumorale. Des cytokines stimulatrices des réponses immunitaires, telles que l’ interféron IFNα et l’IL-2, ont également été utilisées mais les bénéfices cliniques rapportés étaient assez marginaux et souvent accompagnés d’effets toxiques importants.
Ainsi, malgré quelques résultats cliniques indéniables, l'efficacité de l’immunothérapie a longtemps suscité des doutes chez les cliniciens et les scientifiques.
Un changement radical s’opère depuis le début du xxie siècle du fait d’un certain nombre d'avancées portant sur la physiologie du système immunitaire qui ont largement contribué à la mise au point de nouvelles stratégies performantes visant à moduler l’environnement immunologique des tumeurs. Deux approches retiennent particulièrement l’attention à la suite de résultats impressionnants dans le traitement de plusieurs cancers.
La première est basée sur la réinjection (transfert adoptif) de lymphocytes T préalablement extraits et purifiés à partir de la tumeur elle-même et stimulés in vitro. Au cours des années 2000, Steven Rosenberg a été le pionnier de cette stratégie qui consiste à cultiver des lymphocytes infiltrant les tumeurs d’un mélanome en présence du facteur de croissance des lymphocytes T, l’IL2, puis à les réinjecter aux malades. Cette thérapie cellulaire autologue a permis d’obtenir des réponses complètes durables dans des cas de mélanomes métastatiques. Cependant, cette approche nécessite d’avoir accès à la tumeur du patient et de pouvoir isoler puis cultiver ex vivo les lymphocytes T infiltrants pendant plusieurs semaines. Une variante de cette approche a été ensuite développée par Carl June. On peut désormais purifier les lymphocytes T du sang périphérique des patients puis les modifier génétiquement afin que ces cellules expriment des récepteurs artificiels d’antigènes (CAR, pour chimericantigenreceptor). Ces derniers expriment une partie extracellulaire, qui reconnaît très spécifiquement un antigène tumoral, et une partie intracellulaire, qui va se charger de l’activation du lymphocyte après fixation sur les cellules malignes. En leur adjoignant ce récepteur artificiel, les lymphocytes T CAR, ou cellules CAR T, peuvent être redirigés spécifiquement contre les antigènes associés à la tumeur puis être injectés chez le patient. Cette technique a connu des succès impressionnants dans le traitement de certaines leucémies ciblées avec des cellules CAR T spécifiques de l’antigène CD19. Ainsi, le taux de rémission complète à trois ans de patients atteints d’une leucémie aiguë est de 83 p. 100 avec des cellules CAR T CD19, contre 15 p. 100 avec les traitements classiques. Pour les patients souffrant d'un lymphome B diffus à grandes cellules réfractaire, le taux de[...]
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Écrit par
- Emmanuel DONNADIEU : directeur de recherche au CNRS, chef d'équipe à l'Institut Cochin, Paris
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