- 1. Une tumeur solide est une sorte d’organe
- 2. Le système immunitaire reconnaît les cellules tumorales
- 3. L’environnement tumoral est hostile aux lymphocytes T
- 4. L’immunothérapie des cancers : un concept ancien en pleine expansion
- 5. L’indispensable migration des lymphocytes T
- 6. Les lymphocytes T sont rarement capables d’atteindre les cellules cancéreuses
- 7. Conclusions et perspectives
- 8. Bibliographie
CANCER Immunothérapie
L’indispensable migration des lymphocytes T
Avant d’exposer les obstacles à la migration des cellules T dans les tumeurs, il est nécessaire de rappeler l’importance des déplacements lymphocytaires T dans l’initiation d’une réponse immune. Les lymphocytes T peuvent être considérés comme de véritables « explorateurs » qui assurent une veille permanente au sein de l’organisme. Ces cellules accomplissent leur fonction en se déformant et en migrant activement vers et au sein même des tissus. La démonstration que les lymphocytes T sont des cellules très mobiles dans les tissus date d’une dizaine d’années seulement. C’est grâce à l’utilisation d’une nouvelle technique de microscopie, la microscopie biphotonique, que trois équipes américaines sont parvenues en 2002 à visualiser le comportement dynamique des lymphocytes T dans des organes intacts de souris et précisément dans des ganglions lymphatiques où résident et se concentrent les lymphocytes T dits naïfs car ils n’ont jamais rencontré l’antigène qu’ils savent reconnaître. Dans les films qui accompagnent les publications, on s’aperçoit que les lymphocytes T se déplacent très rapidement, apparemment de façon aléatoire et de façon soutenue dans le temps. On sait désormais que cette forte mobilité va jouer un rôle clé dans la fonction de surveillance que doivent assurer les lymphocytes T, favorisant la reconnaissance de motifs antigéniques souvent faiblement exprimés. D’un point de vue mécanistique, la mobilité des lymphocytes T va dépendre d’une combinaison entre des molécules qui les attirent appelées chimiokines, celles qui sont responsables des changements de forme de la cellule T, et d’éléments structuraux tels que les fibres de collagène de la matrice extracellulaire qui dictent les trajectoires cellulaires. On sait par exemple que, dans les ganglions lymphatiques, les lymphocytes T migrent préférentiellement sur un réseau tridimensionnel constitué de conduits recouverts de chimiokines.
Ces données démontrant la nature dynamique des lymphocytes T ont surpris les immunologistes qui pensaient que ces cellules étaient rondes et relativement passives. C’est en effet comme cela qu’elles apparaissent dans des puits de culture après avoir été purifiées. En revanche, au sein d’un ganglion lymphatique, il n’en est rien, et les lymphocytes T font partie des cellules qui, dans l’organisme, se déplacent le plus rapidement. La distance parcourue par les cellules T dans les ganglions lymphatiques est considérable. On peut l’estimer, sachant qu’une cellule T naïve possède une vitesse de 10 millionièmes de mètre (µm) par minute et qu’elle passe 90 p. 100 de son temps dans les ganglions. Ainsi, un lymphocyte T aura parcouru en un an la distance de 6 mètres soit un million de fois son diamètre. Par analogie, une personne adulte devrait parcourir un peu plus de 1 500 kilomètres pour accomplir cette prouesse. On comprend donc que la migration des cellules T soit un phénomène crucial dans le déclenchement d’une réponse immune.
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Écrit par
- Emmanuel DONNADIEU : directeur de recherche au CNRS, chef d'équipe à l'Institut Cochin, Paris
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