Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CANCER Immunothérapie

Les lymphocytes T sont rarement capables d’atteindre les cellules cancéreuses

Migration du lymphocyte T au cours d’une réponse antitumorale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Migration du lymphocyte T au cours d’une réponse antitumorale

La migration des cellules T joue un rôle clé dans leur activité contre la tumeur. La capacité du lymphocyte T à former un contact avec la cellule maligne dépend de plusieurs étapes durant lesquelles il se déplace activement. Comme pour toute réponse immune, la première étape se déroule dans le ganglion le plus proche de la tumeur, le ganglion drainant. C’est dans cet organe que le lymphocyte T naïf va reconnaître un antigène tumoral présenté à la surface d’une autre cellule, la cellule dendritique qui a récupéré des antigènes tumoraux au site de la tumeur. Cela déclenche un changement d’état du lymphocyte T qui va acquérir ses fonctions cytotoxiques mais également ses capacités à migrer très spécifiquement vers la tumeur. Ensuite, le lymphocyte va pénétrer dans la tumeur en traversant les vaisseaux sanguins puis successivement naviguer dans le stroma tumoral, entrer en contact avec des cellules et composants du stroma et finalement interagir avec la cellule cancéreuse avant de la détruire. Chez des patients atteints de cancer, il est désormais admis qu’une, voire plusieurs, de ces étapes ne s’effectue(nt) pas normalement.

 Lymphocytes T dans une tumeur pulmonaire humaine - crédits : Emmanuel Donnadieu

 Lymphocytes T dans une tumeur pulmonaire humaine

Tout d’abord, l’entrée des cellules T dans les tumeurs est souvent défectueuse, en lien avec des anomalies des vaisseaux sanguins des tumeurs et la mauvaise expression de certaines molécules d’adhérence ou d’attraction. Cependant, même lorsque les lymphocytes T parviennent à infiltrer les tumeurs, ils sont rarement en contact avec les cellules tumorales mais s’accumulent dans le stroma. Cette quasi-absence de contact entre cellules T et cellules tumorales pourrait contribuer à expliquer la croissance tumorale et aussi apporter des éléments de réponse à l’échec des immunothérapies constaté chez de nombreux patients.

Différents mécanismes peuvent être à l’origine de l’incapacité des lymphocytes T à infiltrer l’épithélium tumoral. Citons la contrainte physique que crée l’organisation dense et compacte des régions tumorales ainsi qu’un défaut dans l’expression de molécules chimioattractantes. Ces molécules peuvent également être inactivées dans les tumeurs, limitant la rétention des lymphocytes T dans les îlots tumoraux. Des éléments du stroma comme la matrice extracellulaire, particulièrement dense dans les tumeurs solides en progression, contrôlent de façon négative les déplacements des lymphocytes T et leur capacité à entrer en contact avec les cellules tumorales.

L’ensemble de ces résultats indique que les lymphocytes T intratumoraux sont confrontés à un environnement hostile qui freine à la fois leur activation mais également leurs déplacements et leurs contacts avec les cellules cancéreuses. Ces freins limitent fortement leurs fonctions antitumorales, et représentent de ce fait un obstacle majeur à l’efficacité des immunothérapies fondées sur les lymphocytes T.

Un des enjeux de la recherche dans le domaine des immunothérapies du cancer est de pouvoir rétablir l’infiltration des lymphocytes T dans les tumeurs. Différentes pistes sont à l’étude. On peut citer l’élimination des fibroblastes du stroma. Il est en effet clairement établi que ces cellules dans les tumeurs s’activent pour produire en excès les protéines de la matrice extracellulaire qui freinent l’infiltration des lymphocytes T dans les régions tumorales. Toujours avec l’idée de favoriser l’entrée des lymphocytes T dans les tumeurs, plusieurs équipes tentent d’augmenter la production intratumorale de chimiokines attractantes pour les lymphocytes T. D’autres stratégies ont pour but de rediriger spécifiquement les cellules CAR T vers la tumeur en leur faisant exprimer, par thérapie génique, un nouveau récepteur à une chimiokine produite abondamment par les tumeurs. Tous ces travaux sont menés dans des systèmes précliniques de souris[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de recherche au CNRS, chef d'équipe à l'Institut Cochin, Paris

Classification

Médias

Métastases d’un cancer de la prostate - crédits : GJLP/ CNRI/ Science Photo Library/ AKG-images

Métastases d’un cancer de la prostate

Une tumeur est un organe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Une tumeur est un organe

<strong>Mode d’action des anticorps anti-PD-1</strong> - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mode d’action des anticorps anti-PD-1

Autres références

  • CANCER ET ENVIRONNEMENT

    • Écrit par
    • 1 542 mots
    • 3 médias

    Jusqu'à récemment prévalait l'idée que la plupart des cancers sont causés par notre mode de vie. Depuis la Seconde Guerre mondiale, notre environnement s'est profondément modifié et, simultanément, de nouvelles maladies sont apparues, tandis que d'autres, tels les cancers, sont devenues beaucoup plus...

  • GÉNOMIQUE - Génomique et cancérologie

    • Écrit par et
    • 4 785 mots
    • 1 média

    Le décryptage du génome humain, au début du xxie siècle, a facilité l'analyse du fonctionnement cellulaire sous l'influence des gènes. D'où l'entrée en scène d'une génomique fonctionnelle cancérologique qui s'attache notamment à comprendre, afin de les contrôler, les mécanismes de l'...

  • MÉTASTASES, médecine

    • Écrit par
    • 7 561 mots
    • 4 médias

    Le terme « métastase » fut proposé en 1829 par Joseph Claude Récamier qui fut le premier, dans son traité Recherches du cancer, à montrer, par des observations anatomiques, que les métastases provenaient de l'émigration des cellules cancéreuses hors de la tumeur primaire et de leur greffe...

  • ADÉNOGRAMME

    • Écrit par
    • 626 mots

    L'adénogramme correspond à l'examen du frottis du suc ganglionnaire après ponction d'un ganglion. La ponction de ganglion est une technique simple et sans danger. Le ganglion est piqué avec une aiguille, et le suc ganglionnaire est éjecté sur une lame grâce à une seringue. Ce suc est ensuite...

  • ADN (acide désoxyribonucléique) ou DNA (deoxyribonucleic acid)

    • Écrit par , , et
    • 10 074 mots
    • 10 médias
    ...télomérase. Il se trouve qu’on sait depuis 1994 que la télomérase est une enzyme clé de la cancérisation puisqu’elle est surexprimée dans près de 85 p. 100 des cancers tout en étant inactive dans les tissus sains. Ainsi, la télomérase est un marqueur de cancers dont l’activité peut être modulée par la structure...
  • AGNOTOLOGIE

    • Écrit par
    • 4 992 mots
    • 2 médias
    ...fin du xxe siècle. Proctor, qui avait auparavant travaillé sur la médecine raciale dans l’Allemagne nazie, introduit l’expression en 1995 dans Cancer Wars, ouvrage dont le sous-titre –  « Comment les politiques publiques façonnent ce que nous savons et ce que nous ne savons pas sur le cancer...
  • AMIANTE ou ASBESTE

    • Écrit par , et
    • 3 488 mots
    L'exposition à l'amiante entraîne, par ordre de fréquence décroissante, des cancers broncho-pulmonaires, des mésothéliomes et d'autres tumeurs primitives de la plèvre et, avec une moins grande certitude, des cancers gastro-intestinaux, en particulier des cancers de l'estomac.
  • Afficher les 92 références