- 1. Une tumeur solide est une sorte d’organe
- 2. Le système immunitaire reconnaît les cellules tumorales
- 3. L’environnement tumoral est hostile aux lymphocytes T
- 4. L’immunothérapie des cancers : un concept ancien en pleine expansion
- 5. L’indispensable migration des lymphocytes T
- 6. Les lymphocytes T sont rarement capables d’atteindre les cellules cancéreuses
- 7. Conclusions et perspectives
- 8. Bibliographie
CANCER Immunothérapie
Les lymphocytes T sont rarement capables d’atteindre les cellules cancéreuses
La migration des cellules T joue un rôle clé dans leur activité contre la tumeur. La capacité du lymphocyte T à former un contact avec la cellule maligne dépend de plusieurs étapes durant lesquelles il se déplace activement. Comme pour toute réponse immune, la première étape se déroule dans le ganglion le plus proche de la tumeur, le ganglion drainant. C’est dans cet organe que le lymphocyte T naïf va reconnaître un antigène tumoral présenté à la surface d’une autre cellule, la cellule dendritique qui a récupéré des antigènes tumoraux au site de la tumeur. Cela déclenche un changement d’état du lymphocyte T qui va acquérir ses fonctions cytotoxiques mais également ses capacités à migrer très spécifiquement vers la tumeur. Ensuite, le lymphocyte va pénétrer dans la tumeur en traversant les vaisseaux sanguins puis successivement naviguer dans le stroma tumoral, entrer en contact avec des cellules et composants du stroma et finalement interagir avec la cellule cancéreuse avant de la détruire. Chez des patients atteints de cancer, il est désormais admis qu’une, voire plusieurs, de ces étapes ne s’effectue(nt) pas normalement.
Tout d’abord, l’entrée des cellules T dans les tumeurs est souvent défectueuse, en lien avec des anomalies des vaisseaux sanguins des tumeurs et la mauvaise expression de certaines molécules d’adhérence ou d’attraction. Cependant, même lorsque les lymphocytes T parviennent à infiltrer les tumeurs, ils sont rarement en contact avec les cellules tumorales mais s’accumulent dans le stroma. Cette quasi-absence de contact entre cellules T et cellules tumorales pourrait contribuer à expliquer la croissance tumorale et aussi apporter des éléments de réponse à l’échec des immunothérapies constaté chez de nombreux patients.
Différents mécanismes peuvent être à l’origine de l’incapacité des lymphocytes T à infiltrer l’épithélium tumoral. Citons la contrainte physique que crée l’organisation dense et compacte des régions tumorales ainsi qu’un défaut dans l’expression de molécules chimioattractantes. Ces molécules peuvent également être inactivées dans les tumeurs, limitant la rétention des lymphocytes T dans les îlots tumoraux. Des éléments du stroma comme la matrice extracellulaire, particulièrement dense dans les tumeurs solides en progression, contrôlent de façon négative les déplacements des lymphocytes T et leur capacité à entrer en contact avec les cellules tumorales.
L’ensemble de ces résultats indique que les lymphocytes T intratumoraux sont confrontés à un environnement hostile qui freine à la fois leur activation mais également leurs déplacements et leurs contacts avec les cellules cancéreuses. Ces freins limitent fortement leurs fonctions antitumorales, et représentent de ce fait un obstacle majeur à l’efficacité des immunothérapies fondées sur les lymphocytes T.
Un des enjeux de la recherche dans le domaine des immunothérapies du cancer est de pouvoir rétablir l’infiltration des lymphocytes T dans les tumeurs. Différentes pistes sont à l’étude. On peut citer l’élimination des fibroblastes du stroma. Il est en effet clairement établi que ces cellules dans les tumeurs s’activent pour produire en excès les protéines de la matrice extracellulaire qui freinent l’infiltration des lymphocytes T dans les régions tumorales. Toujours avec l’idée de favoriser l’entrée des lymphocytes T dans les tumeurs, plusieurs équipes tentent d’augmenter la production intratumorale de chimiokines attractantes pour les lymphocytes T. D’autres stratégies ont pour but de rediriger spécifiquement les cellules CAR T vers la tumeur en leur faisant exprimer, par thérapie génique, un nouveau récepteur à une chimiokine produite abondamment par les tumeurs. Tous ces travaux sont menés dans des systèmes précliniques de souris[...]
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Écrit par
- Emmanuel DONNADIEU : directeur de recherche au CNRS, chef d'équipe à l'Institut Cochin, Paris
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