CANTIQUE DES CANTIQUES
Le Cantique des cantiques, c'est-à-dire le Cantique par excellence, constitue l'un des plus beaux chants d'amour de la littérature universelle. Il célèbre un couple, le bien-aimé et la bien-aimée, qui se rejoignent et se perdent, se cherchent et se retrouvent.
De toutes les œuvres bibliques, c'est celle qui a suscité le plus d'interprétations diverses. Dans la Bible juive, il fait partie des cinq « rouleaux » liturgiques ( megillôth) utilisés aux grandes fêtes. Dans la Bible grecque, il est rangé parmi les livres sapientiaux.
S'il n'était inséré dans le canon des écritures tant juives que chrétiennes, nul ne contesterait qu'il soit, dans la production littéraire du Proche-Orient ancien, un des sommets de la poésie amoureuse. Mais, précisément, les hardiesses que suppose un tel genre poétique ont fait émettre des doutes sur la canonicité de l'ouvrage. Peut-on admettre qu'un tel ensemble, où le nom de Dieu n'est cité qu'une fois (viii, 6), et où se trouve magnifié l'attrait réciproque de l'homme et de la femme, soit une parole divine adressée à l'homme ? La réponse de la tradition juive, depuis l'assemblée de Yabné au moins, comme celle de la tradition chrétienne, depuis Hippolyte et Origène, fut toujours affirmative. Les uns et les autres le considéraient, cependant, comme une allégorie ou une parabole de l'amour de Dieu pour son peuple.
Les grands courants de l'interprétation
Dans son état actuel, le Cantique se présente comme une suite de poèmes, où s'entrecroisent pour chanter leur amour les voix du bien-aimé et de la bien-aimée et d'un chœur. Ces chants sont précédés d'une suscription attribuant l'ensemble à Salomon, et suivis d'une finale composite de saveur sapientielle, souvent qualifiée d'appendice. Il est impossible d'entrer plus avant dans l'analyse sans prendre parti sur le sens à donner à l'ensemble. La diversité des découpages proposés suffirait à indiquer que ni l'unité du livre ni son mouvement général ne s'imposent à première lecture. Les interprétations qui sous-tendent de tels découpages se multiplient à l'infini dans leurs oppositions et leurs nuances. On peut les regrouper en trois grands courants.
L'interprétation allégorique ou symbolique
C'est la plus ancienne des interprétations sur laquelle nous possédons des témoignages historiques sûrs ; elle fait de l'amour humain le symbole d'une réalité religieuse. Les témoignages de la Michna indiquent que l'œuvre symbolise l'amour de Dieu pour son peuple, Israël, dans la ligne de l'allégorie conjugale du prophète Osée.
Pour les chrétiens, l'Israël de la nouvelle alliance est l'Église du Christ. La reprise de la tradition israélite fut d'ailleurs favorisée par le rapprochement que fait saint Paul (Éphès., v. 28 et suiv.) entre l'amour du Christ pour son Église et celui du mari pour sa femme. Cette interprétation, qui s'imposa avec Origène, fut la plus courante au long de l'histoire de l'Église jusqu'à l'époque contemporaine (G. Kuhn, W. Möller, A. Robert, R. Tournay, A. Feuillet...).
D'autres Pères de l'Église (saint Ephrem, saint Ambroise) y virent une allégorie ayant trait à la Vierge Marie. La spiritualité chrétienne (saint Bernard et, par allusion, saint Jean de la Croix) y chercha, en une allégorie, l'image mystique de l'union de l'âme et de son Dieu.
Un dernier courant, illustré par le Targum (viie-viiie siècle après J.-C.) et repris par P. Joüon, fait du Cantique une allégorie historique, celle de l'histoire d'Israël depuis la sortie d'Égypte. Cette interprétation n'est pas sans lien avec l'usage liturgique israélite ; ce « rouleau » était en effet lu à la fin du rituel de la Pâque, célébration rituelle[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre SANDOZ : ancien professeur aux Facultés dominicaines du Saulchoir, élève titulaire de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem
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