CANTIQUE DES CRÉATURES (XIIIe s.)
Texte composé par François d'Assise dans le dialecte ombrien, l'un des premiers en langue vulgaire des lettres italiennes (1224 ou 1225) ; le saint, qui n'a guère plus de quarante ans, va bientôt mourir ; il est accablé de souffrances et presque aveugle ; c'est pourtant dans l'illumination d'une joie stigmatisée que naît son Cantique. Le poème s'insère dans la lignée des louanges bibliques du Dieu tout-puissant par la voix de tout ce qui est dans l'univers (Cantique de Daniel et Psaume CXLVIII, rendus familiers par la liturgie) ; mais rien ici de la majestueuse convocation biblique de toutes les réalités autour du trône de l'Éternel. La paternité divine éblouit plus que la Toute-Puissance — et, comme cette paternité remplit tout le cœur sans besoin d'être explicitée davantage, c'est sur la fraternité que va porter l'accent principal. Après une invocation au « Seigneur Très-Haut », au « Seigneur de bonté », seul digne d'adoration, François, en laisses très simples, au rythme libre, soulevées par la gratitude, loue « son Seigneur [...] par toutes ses créatures », fraternelles en leur unique Père : par « messire frère soleil », « sœur lune et les étoiles », « sœur eau », « frère feu », « frère vent et tous les temps », « sœur et mère terre ». Puis, en deux laisses qu'on a souvent dites postérieures, il adresse sa louange par ceux qui pardonnent pour l'amour de Dieu et « supportent en paix infirmités et tribulations », enfin « par notre sœur la mort corporelle » puisque seront sauvés de « la seconde mort » ceux qui se trouveront « en sa sainte volonté ».
Cantique des créatures obéissantes : des quatre éléments — air, eau, feu, terre — qui accomplissent leur mission de beauté « précieuse » (lumière et joie) et d'utilité, des hommes qui vivent et souffrent en conformité au dessein du Très-Haut. François voulait qu'il devienne le cantique de son ordre, puis un chant liturgique pour toute l'Église. L'ordre et l'Église avaient d'autres vues. Mais ce texte capital donne, en des temps d'âpres luttes, le secret de l'harmonie et de la paix et contient sur le plan théologique une affirmation essentielle en un temps d'hérésie : le monde n'est pas l'œuvre du Mal, mais de la bonté de Dieu, présente en toutes ses créatures, en la mort même.
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Écrit par
- Germaine LECLERC : professeur agrégé d'italien
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