CANTON ou GUANGZHOU [KOUANG-TCHEOU]
Canton (Guangzhou), capitale du Guangdong, est située à 60 kilomètres de la mer, au pied d'une colline rocheuse isolée au milieu de la plaine d'alluvions du Xijiang, à l'extrémité de l'estuaire formé par ce fleuve, ainsi que par son affluent le Beijiang et par le Dongjiang. Cet estuaire, le Zhuijiang (ou rivières des Perles), est une des trois zones majeures du développement chinois. C'est un site portuaire classique (le point ultime atteint par la marée), choisi définitivement comme tel au xie siècle (1055), bien que les relations avec l'étranger (Arabes, Perses) aient été bien antérieures. La fortune de Canton est due à sa position géographique remarquable (convergence des voies commerciales) : Canton a été pendant des siècles la porte de la Chine centrale, notamment depuis 1514, date à partir de laquelle le port fut fréquenté par les Portugais.
Canton était déjà au Moyen Âge la principale base des Arabes en Chine (d'où la diffusion de l'Islam dans les provinces intérieures du Sud-Ouest). Au xviiie siècle, alors que la Chine se fermait presque complètement aux commerçants étrangers, Canton était le seul port qui leur restât ouvert, malgré de sévères restrictions (obligation de passer par une guilde chinoise dotée d'un monopole, le « Cohong » ou Gonghang). Canton se trouva ainsi être le lieu principal du choc entre la Chine et l'Occident, au moment des guerres de l'opium. C'est à Canton qu'eut lieu la grande cérémonie rituelle de purification (1839), au cours de laquelle le vice-roi Lin Zexu lança dans la mer les cendres des caisses d'opium anglais confisquées dans la ville et solennellement brûlées, cérémonie qui fut à l'origine immédiate de la guerre.
Canton, au xixe siècle, reste le principal centre de contact entre la Chine et l'étranger. À partir de l'île de Hong Kong se diffusent la médecine moderne et la vaccination. C'est aussi à partir de là que se répand le christianisme. Le fondateur du mouvement Taiping avait fréquenté les missionnaires anglais de Canton, et ce n'est pas par hasard que son mouvement prend naissance au Guangxi, dans l'arrière-pays cantonais. Entre les milieux marchands chinois de Hong Kong et de Canton s'effectue une sorte de symbiose, due à la naissance d'une bourgeoisie comprador, politiquement très modérée. C'est aussi de Canton que partent les émigrés chinois, coolies ou marchands, qui vont chercher fortune ou au moins échapper à la misère dans le Sud-Est asiatique et sur le pourtour du Pacifique ; ils restent en relation avec Canton, dont l'horizon international est donc beaucoup plus large que celui des autres villes chinoises.
Sun Yat-sen est l'un de ces émigrés. Il symbolise le fait que Canton, depuis la fin du xixe siècle, est aussi le principal centre du mouvement révolutionnaire chinois contre la dynastie mandchoue. Kang Youwei, le réformateur de 1898, était cantonais, et Canton fut jusqu'en 1911 un des principaux centres de la lutte des républicains. Le particularisme cantonais s'accentua dans les premières années de la République, et à trois reprises – en 1917, en 1920 et en 1923 – Sun Yat-sen tenta d'y établir une base « révolutionnaire » opposée au gouvernement nordiste des « seigneurs de la guerre » ; le mot d'ordre : « Que Canton soit gouverné par des Cantonais » était très populaire à cette époque. Après deux soulèvements infructueux, la troisième tentative de Sun Yat-sen, contrairement aux deux premières, aboutit à la formation d'un gouvernement dissident vigoureux, d'orientation nationaliste et populaire, et soutenu par les communistes.
La « base révolutionnaire » de Canton est, vers 1923-1927, un pôle d'attraction pour toute la gauche chinoise. C'est là que se déroule en 1925-1927[...]
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Écrit par
- Jean CHESNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Jean DELVERT : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
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