CANYONS SOUS-MARINS
Observations en submersible
Succédant à des prises de vues photographiques par déclenchement automatique de caméras suspendues à un câble ou montées sur d'ingénieux traîneaux (telle la troïka de Jacques-Yves Cousteau), l'observation directe des fonds dans des submersibles, mieux adaptés que les bathyscaphes, a transformé le géologue marin en géologue de « terrain », en dépit, il est vrai, d'un champ de vision réduit, d'une autonomie de six à dix heures seulement et de possibilités d'échantillonnages limitées.
Les observateurs ont à nouveau comparé les lits des canyons à ceux de rivières torrentielles. Des événements exceptionnels, semblables à des crues, ont abandonné çà et là des masses de matériaux hétérogènes qui bossèlent le fond, ou encore d'épaisses barres de galets et de sables transversales ou longitudinales. Ils ont aussi creusé de profonds chenaux ou dispersé des blocs de taille plurimétrique. Les plongeurs ont noté également que des courants quasi permanents étaient capables non seulement de maintenir les fonds exempts de dépôts vaseux, mais aussi de lisser ou de strier les dépôts fins, de construire des réseaux de ripple marks parallèles ou rhomboïdaux, d'affouiller les fonds autour des blocs ou de déposer en aval des queues de comète sédimentaires. Toutes ces actions trahissent des vitesses de courants de plusieurs nœuds qui gênent considérablement ou éliminent l'endofaune (vers), si abondante généralement dans les zones calmes. L'analogie avec les cours d'eau à crues fréquentes se remarque aussi par les rives de marnes ou de grès tendres, taillées en falaises ou même en encorbellements, et par l'érosion différentielle et le polissage des bancs d'inégale dureté. On note cependant avec étonnement qu'à une exception près les plongeurs n'ont jamais observé de courants susceptibles de gêner les déplacements des submersibles (soit environ 1 nœud). Cette absence prolongée de courant pourrait expliquer sans doute la présence d'une fine pellicule de vase sur les blocs rocheux.
L'observation directe des versants montre la très grande fréquence d'affleurements du substratum. Dans le canyon des Stoechades (marges des Maures ; ), des grès sublittoraux oligocènes forment des falaises de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, ébauchées – selon les observateurs – pendant la phase d'émersion messinienne. Dans le canyon des Moines (Corse méridionale), des falaises d'orgues basaltiques d'âge miocène surplombent le chenal à 2 000 mètres de profondeur, prouvant l'existence de creusements ou de fractures récentes. Au large de la Nouvelle-Angleterre, dans le canyon Heezen, un bloc allochtone de 150 mètres de longueur affleure le long du chenal. Dans le canyon du Var, les marnes indurées pliocènes forment des versants pentés à 600 et découpés par de profondes rigoles subparallèles. Les marnes moins consolidées forment des versants plus doux, sculptés en banquettes de hauteur métrique à décimétrique, résultant de l'érosion ou du faillage superficiel. Les dépôts meubles sur les pentes sont généralement instables et déplacés par le moindre effleurement.
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Écrit par
- Maurice GENNESSEAUX : maître de conférences à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
Classification
Médias
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