CANZONIERE, Pétrarque Fiche de lecture
Un nouveau modèle pour la poésie lyrique
Mais si le « plan » du Canzoniere est sans cesse remis en question, c'est aussi parce que son centre vital est ailleurs que dans une parabole morale ou amoureuse. La Vita nova de Dante était née d'un projet analogue : donner un sens à une expérience d'écriture en même temps qu'à une expérience de l'amour. Mais Dante – notamment grâce à la narration en prose reliant ses poésies – décrivait un parcours linéaire vers la sublimation de ces deux expériences. Le Canzoniere, lui, fonctionne sur le mode discontinu : à savoir l'analyse d'un « Je » déchiré par d'intimes contradictions (« Je vois le meilleur et je choisis le pire », CCLXIV). Son modèle est ici le saint Augustin des Confessions. Le débat moral en est l'expression la plus visible, mais la conception du temps et de la mémoire comme des catégories intérieures à l'individu est elle aussi augustinienne, de même que l'analyse des phénomènes de l'esprit (reviviscence du souvenir, production des rêves, fantasmes) et de tout ce qui relève du pouvoir créateur de l'imagination : « Il arrive parfois que pour me consoler/ Ma dame m'apparaisse où pitié la ramène/ Je n'ai dans cette vie aucun autre secours// Ah si des mots qu'elle a la lumière inhumaine/ Je pouvais la redire en seraient aveuglés/ Non pas l'homme d'amour mais le tigre mais l'ours » (trad. Aragon).
Avec Pétrarque, la poésie lyrique devient le vecteur de l'introspection. Mieux : comme l'écrit le poète Vittorio Sereni, l'écriture poétique devient chez lui l'unique dépositaire d'une éventuelle « rationalité » des passions de l'âme. On est désormais loin du « grand chant courtois », plus loin encore du pétrarquisme rhétorique des épigones.
Au milieu d'une imposante œuvre latine en vers et en prose, le Canzoniere fut à la fois le jardin secret de Pétrarque et son laboratoire permanent. Ce livre, écrit dans un « florentin transcendantal » (Gianfranco Contini) soustrait aux aléas de l'histoire comme à ceux de la langue parlée, a créé l'italien de la poésie moderne : celui de Leopardi, de Saba, d'Ungaretti, de Montale notamment. Il a grandement contribué à la diffusion de la forme du sonnet en France, en Espagne et en Angleterre.
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Écrit par
- Claudette PERRUS : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
Autres références
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