CAPITAL
Le capital en tant qu'ensemble de biens
Il est plus courant de voir dans le capital des biens ou des ensembles de biens plutôt qu'un rapport social. La caractéristique commune de ces biens est qu'ils servent à produire d'autres biens ; ils s'opposent en cela aux biens dits de consommation, qui ont pour but de satisfaire les besoins des personnes. Parmi ces biens, on distingue les biens-capitaux (ou biens durables), qui ne disparaissent pas dans le processus de production (par exemple, les machines), des biens tels que les matières premières, qui sont complètement absorbés par lui. Conçu ainsi, en tant qu'ensemble hétérogène de biens, le capital est d'un maniement difficile – aussi bien sur le plan théorique que statistique. De fait, il prend généralement la forme d'un nombre, présenté comme sa mesure. Il est alors fait appel à un système de prix, qui permet d'évaluer les quantités de chaque bien, et d'additionner les nombres obtenus. Se pose alors le problème du choix du système de prix, qui dépend de multiples facteurs dont les goûts des consommateurs (reflétés dans leur demande de biens). Mais alors il n'est plus possible de voir dans le capital un objet, ou un facteur de production, qui n'aurait trait qu'aux seules possibilités offertes par la technique. On en arriverait autrement à des contradictions : le prix des biens dépend de la quantité de capital utilisée, qui dépend elle-même de ces prix, vu la façon dont elle est mesurée. D'où d'importantes controverses dans les années 1960 – auxquelles ont participé, notamment, Paul Samuelson, Robert Solow, Joan Robinson, Luigi Pasinetti et Pierangelo Garegnani. Ces discussions ont abouti à une solution de repli, consistant à réduire l'économie à un seul bien (le blé) qui puisse être à la fois consommé et utilisé pour la production (sous la forme de semences, par exemple). Le problème de l'hétérogénéité des biens formant le capital est ainsi réglé, au prix d'un grand irréalisme.
La question de la mesure du capital se pose aussi sur le plan pratique – que ce soit au niveau de l'entreprise ou au niveau national. Outre le problème du choix du système de prix se pose celui de l'évaluation des biens durables : les machines vieillissent plus ou moins vite (usure et obsolescence), ce dont doit tenir compte le prix qui leur est attribué. L'évaluation de cette consommation de capital fixe, pour employer sa dénomination comptable, demeure délicate et parfois même arbitraire.
Enfin, de la façon la plus courante, mais aussi la plus floue, le capital apparaît comme un ensemble de titres : monnaie (qui donne droit à des biens), droits de propriété (actions) ou créances (obligations). L'accent est alors mis sur le mouvement de ces titres, qui prend généralement la forme de jeux d'écritures – ce qui est particulièrement vrai de la monnaie, dont l'essentiel est formé par les comptes en banque. Ces mouvements ont pour but soit la recherche de gains de type spéculatif (les plus-values en capital), soit, au contraire, une recherche de sécurité (placements liquides, diversification des placements, etc.). Ils sont, évidemment, d'une dimension autre que les déplacements ou la formation de biens capitaux, en tant qu'ensembles de biens ; une des questions les plus débattues est alors celle de l'impact de tels mouvements spéculatifs sur l'affectation des ressources (en biens, en équipements, en machines, etc.) de l'économie, certains craignant une déconnexion de plus en plus grande entre la sphère financière et celle de l'économie réelle.
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Écrit par
- Ozgur GUN : maître de conférences en sciences économiques à l'université de Reims
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