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CAPITALISME Histoire

La formation d'un marché international des produits

Un commerce international existait dès l'Antiquité pour certains produits : sur de longues distances pour des produits de luxe de faible poids comme les soieries, les épices ou l'or, dans des aires géographiques plus limitées pour des produits pondéreux qui, comme le blé, le poisson salé, le vin, le bois, pouvaient néanmoins être transportés à des coûts raisonnables grâce au bon marché des transports maritimes. L'histoire du commerce international est celle d'une extension progressive des flux à des produits plus nombreux, à des valeurs plus importantes relativement aux produits nationaux des pays concernés, à des aires plus larges. Le développement s'est fait de manière discontinue, en fonction de la productivité des transports, des relations économiques et politiques entre pays, de l'existence d'une demande dynamique. Aux xvie et xviie siècles se développèrent, à une échelle qui faisait des exportations des débouchés majeurs pour les producteurs, deux types de commerce, celui des matières premières de l'Europe du Nord transitant par la Hollande vers l'Europe de l'Ouest exportatrice de vin français et de produits manufacturés, et par ailleurs un commerce intrabranche de produits textiles entre les pays les plus avancés, que leur concurrence conduisait à des pratiques mercantilistes.

Le xviiie siècle vit une extension massive des échanges avec les Amériques exportatrices de sucre et de tabac, dont la consommation en Europe augmentait avec la baisse de leurs prix et la hausse des niveaux de vie, avec l'Asie productrice de coton, d'indiennes, de céramiques, et avec l'Afrique intégrée dans ce système par la traite. Désormais ces échanges portaient sur des produits de grande diffusion, toiles de lin puis, à la fin du siècle, cotonnades. Pour ces industries, les marchés extérieurs représentaient déjà plus de 20 p. 100 des ventes. Un changement de dimension du marché s'opéra entre 1800 et 1840 où le relais par les marchés extérieurs était indispensable pour éviter l'asphyxie des entreprises des pays industriels. L'exportation servit d'exutoire à une proportion plus importante de la production que la dynamique de développement des marchés intérieurs des pays industriels ne permettait pas d'absorber entièrement. Une continuité était en train de se construire entre marchés intérieurs et marché international. Le succès des industrialisations des pays d'Europe occidentale vint de ce que les industriels et les négociants, au prix de tâtonnements et d'échecs dus à l'imperfection de l'information, parvinrent à articuler demande interne et débouchés externes dans un système beaucoup moins conflictuel. Dans un monde où la règle était un fort protectionnisme, les échanges ne se développèrent que parce qu'ils reposaient sur des complémentarités entre les pays industriels qui, au xixe siècle, faisaient entre eux plus de 70 p. 100 des échanges : ils étaient les seuls dont la demande fût solvable. Seule la Grande-Bretagne effectuait une part importante de ses échanges vers des pays moins développés, comme l'Inde, à faible niveau de vie, mais à population énorme. La multiplication des produits nouveaux par l'industrialisation favorisait les complémentarités entre pays industriels. Les échanges de marchandises étaient aussi facilités par l'acceptation d'une liquidité internationale commune, le sterling, et par un système multilatéral de compensation des soldes des balances commerciales rendant solidaires, au milieu du siècle, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et les autres pays européens. Cette organisation des flux rendit possible de la fin des années 1840 à celle des années 1870 une sensible libéralisation de la réglementation douanière.[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I

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<it>Le Bourgeois</it>, caricature de R. Langa - crédits : AKG-images

Le Bourgeois, caricature de R. Langa

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