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CAPITALISME Histoire

Facteurs de production et économie de marché au XIXe siècle

L'hypothèse centrale de Polanyi était que l'économie de marché n'existe que pendant quelques décennies du xixe siècle, où elle s'empare pour peu de temps du travail et de la monnaie. La pénurie ou l'abondance de main-d'œuvre expliquent grossièrement les différentiels importants de niveaux de salaires entre les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France ou les pays d'Europe moyenne et méditerranéenne ; elles ont incité à adopter des méthodes de fabrication plus ou moins mécanisées, plus ou moins économisatrices de travail et consommatrices de capital. Mais les recherches montrent que le travail garde une spécificité ; l'expression « marchés du travail » est un raccourci de langage commode, qui ne saurait impliquer une assimilation à un marché de marchandises.

Les marchés du travail étaient très segmentés selon la qualification. Comme l'industrialisation dépréciait les qualifications anciennes et en exigeait d'autres, nouvelles ou rares, les entrepreneurs cherchaient à s'attacher la main-d'œuvre qu'ils formaient par des politiques de patronage qui contrariaient la formation d'un marché régional ou national fluide du travail. La dispersion régionale des salaires resta inchangée durant un siècle. L'ouvrier salarié de la grande industrie était minoritaire. Plus nombreux étaient les artisans des métiers, les travailleurs indépendants ou semi-indépendants, payés à façon par les donneurs d'ordres dont ils dépendaient. Les pratiques anciennes de rémunération subsistèrent durant tout le siècle dans la grande industrie où le passage de la rémunération de l'ouvrage réalisé, convenue d'avance, au salaire au temps ne se fit que lentement. Le prix de façon était moins l'objet d'un marché confrontant offre et demande que d'une modulation, selon les conditions hic et nunc, autour d'une norme socialement admise par les patrons et les travailleurs. Longtemps, le travailleur paya ses aides sur ses gains. L'amélioration des machines donna lieu à contestation : les patrons ne voulaient pas payer la même somme pour une tâche réalisée désormais plus vite alors que les ouvriers s'opposaient à toute baisse du « tarif ». La notion moderne du « salaire » mit la seconde moitié du siècle à s'imposer avec un contrôle croissant de l'activité des ateliers par les patrons. Elle fut alors vite soumise à une codification selon une nomenclature des professions, en même temps que l'État commençait à intervenir directement et indirectement dans le marché du travail.

La fin du xixe siècle fut le moment où on s'approcha le plus d'un marché international des facteurs de production. Il existait de grands décalages entre les offres et les demandes nationales qui entraînaient des mouvements des hommes et des capitaux sans qu'aucune réglementation ne s'y opposât. Près de 40 millions d'Européens ont émigré outre-mer entre 1865 et 1915. La croissance démographique européenne créait un surplus de main-d'œuvre que la croissance industrielle n'était pas assez rapide pour employer. Les crises des agricultures européennes aggravèrent le sous-emploi. La baisse des coûts de transport permettait les migrations de masse. Dans les pays neufs, la main-d'œuvre faisait défaut et les salaires étaient élevés en raison de la productivité plus grande des agricultures extensives et du faible coût de la terre. En Asie, des migrations considérables eurent lieu à l'intérieur du continent même, vers l'Afrique de l'Est, vers les États-Unis. Les recherches ont pesé l'importance des facteurs d'attraction ou de répulsion (logiques du pull ou du push) et mis en valeur le rôle essentiel de la diffusion de l'information[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I

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Média

<it>Le Bourgeois</it>, caricature de R. Langa - crédits : AKG-images

Le Bourgeois, caricature de R. Langa

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