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CARAÏBES Littératures

La littérature de langue espagnole

Le Nouveau Monde

Les Caraïbes furent le théâtre du premier contact entre l'Europe et le Nouveau Monde. Dès 1493, la lettre narrant le premier voyage de Colomb connaît une large diffusion. Marqué par la conviction d'avoir découvert une nouvelle route menant vers l'Asie et par le souci de rentabiliser l'expédition en trouvant de l'or et des épices, le récit du Grand Amiral véhicule les deux mythes qui hanteront l'imaginaire occidental durant des siècles : l'exaltation de l'innocence vertueuse des « bons sauvages » locaux et la certitude que ces lieux de beauté et de paix sont l'antichambre du paradis.

La conquête et l'exploitation des îles engendrent deux grandes controverses – dont les échos se sont encore fait entendre en 1992, lors du cinquième centenaire de la découverte –, d'une part sur l'humanité des « Indiens » et sur leur capacité à être christianisés, d'autre part sur la légitimité de l'entreprise espagnole. Les dominicains – Antonio Montesinos, Pedro de Córdoba – s'illustreront dans ce débat, dominé par la figure tutélaire de Bartolomé de Las Casas (1474-1566), auteur d'une monumentale Histoire des Indes et de la Très brève relation de la destruction des Indes (1552), qui suscitera d'innombrables polémiques en prétendant que l'action de l'Espagne devait se limiter à l'évangélisation et que les terres dont les Indiens avaient été dépouillés devaient leur être rendues.

Naissance d'une littérature

Pendant la première moitié du xvie siècle, la ville de Saint-Domingue devient la capitale culturelle du Nouveau Monde, et de son Université et de ses couvents sortent les premiers manuels d'évangélisation et les premiers traités d'ethnologie qui constituent l'apport essentiel de la littérature missionnaire. Néanmoins, durant l'époque coloniale, la littérature fut loin d'avoir, à Saint-Domingue, Cuba et Porto Rico, l'éclat dont elle brilla au Mexique et au Pérou. Il faut attendre le xixe siècle et le romantisme pour que la littérature caraïbe de langue espagnole commence à s'affirmer. Mais cette pénétration n'aurait pu se faire sans une révision préalable des valeurs culturelles. Dans le premier tiers du xixe siècle, un groupe d'intellectuels cubains – Félix Varela, José Antonio Saco, José de la Luz y Caballero, Domingo del Monte –, réunis autour de la Revista bimestre cubana, créée en 1830, puis de l'éphémère Académie cubaine de littérature, partent en guerre contre la scolastique et l'archaïsme des connaissances diffusées par l'enseignement local (quand il existe). Ils critiquent certains aspects de la vie nationale, ce qui leur valut souvent, de la part des autorités espagnoles, exil, relégation ou prison.

La grande figure romantique est sans conteste le poète cubain, José María Heredia (1803-1839), traducteur et admirateur de Chateaubriand, Byron, Lamartine et Hugo, contraint pour des raisons politiques de s'expatrier aux États-Unis. La nostalgie de la patrie perdue hante toute sa poésie, dont les sommets sont les deux odes Sur le teocalli de Cholula et Niagara et dont les vers, de facture classique, sont traversés par l'émotion suscitée par l'exil, le spectacle de la nature, l'expérience de la douleur. La mélancolie imprègne également les poèmes, d'inspiration plus populaire, de l'esclave noir Juan Francisco Manzano (1797-1854), auteur par ailleurs d'une célèbre Autobiographie, et du poète mulâtre Gabriel de la Concepción Valdés, dit Plácido (1809-1844), fusillé en 1844 par les Espagnols.

Gertrudis Gómez de Avellaneda (1814-1873), elle aussi condamnée à l'exil, eut une vie sentimentale agitée qui lui inspira des poèmes partagés entre exaltation et abattement,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Bourgogne, Dijon
  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : professeur à l'université de Paris-XIII
  • : professeur d'histoire, directeur du Centre de recherches Caraïbes-Amériques

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Médias

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