CARAVAGE (vers 1571-1610)
Si tout le xviie siècle garde l'empreinte des Bolonais (Carrache, Reni, Dominiquin), force nous est de reconnaître que les plus grands peintres de cette époque – à l'exception de Nicolas Poussin – bénéficient sous une forme ou sous une autre de l'exemple de Caravage : Velázquez et Zurbarán en Espagne, Rubens, Rembrandt et Vermeer dans le nord de l'Europe.
La vie de Caravage est rythmée par de nombreux épisodes douloureux. Karel van Mander (1548-1606), l'auteur de la Vie des peintres (1604), décrit l'existence dissolue de l'artiste et reconnaît que, malgré son talent, il est bien difficile de se faire un ami de cet homme. Il ne se passe pas d'année sans que Caravage soit mêlé à quelque affaire équivoque ou sans qu'il ait une histoire grave avec la police. En 1605, il purge une peine de prison ; à sa libération, il blesse un homme et pour échapper aux poursuites il se réfugie à Gênes. Mais cette vie de violence ne l'empêche pas de peindre de nombreux chefs-d'œuvre pour des églises ou pour des princes.
L'activité de Caravage peut être divisée en quatre périodes : la première se déroule à Milan où, vers 1584, l'élève de Simone Peterzano subit l'influence des peintres giorgionesques de la terra ferma, Savoldo, Moretto, Lotto, Romanino, Foppa, et aussi des peintres de Crémone, Giulio et Antonio Campi. La deuxième période concerne les premières années romaines, de 1591-1592 environ à 1599 : tableaux de jeunesse, clairs, comportant rarement plus de trois demi-figures ; de 1599 à 1606, date de son départ de Rome, Caravage peint de nombreux tableaux pour les églises de la Ville éternelle ou pour des collectionneurs privés ; les quatre dernières années de sa vie (1606-1610) se passent entre Naples, l'île de Malte et la Sicile. L'œuvre de Caravage, réalisé en une vingtaine d'années à peine, a subi une évolution remarquable.
Les œuvres de jeunesse
Michelangelo Merisi ou Merighi dit il Caravaggio est originaire de Caravaggio en Lombardie. On pense aujourd'hui que Caravage est né vers 1571. Les débuts du peintre sont mystérieux. Quelle a été sa formation entre 1584 environ et 1590-1591 ? Quelles œuvres d'art a-t-il vues ? Quelles villes a-t-il traversées avant d'arriver à Rome ? Bien que Caravage ait souvent déclaré qu'il ne devait rien à personne (la nature, affirmait-il, l'avait suffisamment pourvu de maîtres), il est intéressant de comprendre, à la suite de R. Longhi, quelles influences il a subies. On voit apparaître au xvie siècle les deux préoccupations majeures de Caravage, le jaillissement de la lumière dans la nuit et le réalisme populaire. Des éclairages nocturnes caractérisés sont attestés déjà chez Corrège (La Nuit, 1530, Gemäldegalerie, Dresde) et Raphaël (Délivrance de saint Pierre, 1514, Vatican). Ils deviennent fréquents et géométriquement stylisés chez le curieux Génois Luca Cambiaso (1527-1585) : Madone à la chandelle (1570-1575, Palazzo Bianco, Gênes). Le Siennois Domenico Beccafumi (1486-1551) aime aussi faire jaillir de petites figures des profondeurs nocturnes. À Venise, depuis Giorgione (1477-1510) : L'Orage (1506-1508, Accademia, Venise), l'étude de la lumière retient la plupart des peintres. Elle atteint à de grands effets de contrastes, avec des ombres immenses chez Tintoret (1512-1594). Les artistes de la Lombardie et de la vallée du Pô sont souvent attirés par les jeux lumineux. L'un des plus remarquables à cet égard est Savoldo, de Brescia (1480-1548), qui se plaît aux oppositions d'ombres denses et de grandes masses de lumière (L'Ange et Tobie, galerie Borghèse, Rome).
Quant au réalisme populaire, il est moins fréquent, mais plus nettement exclusif chez certains peintres, notamment aux Pays-Bas où Pieter Aertsen (1508-1573) se spécialisa dans les scènes[...]
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Écrit par
- Arnauld BREJON DE LAVERGNÉE : conservateur en chef du musée des Beaux-Arts de Lille
- Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE : critique d'art
Classification
Médias
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