FABRITIUS CAREL (1622-1654)
Fils d'un maître d'école dénommé Pieter Carelsz, Carel reçut sans doute une première formation de menuisier ou de charpentier si l'on en juge par le surnom de Fabritius (Faber) qui était déjà accolé à son prénom en 1641, date de son mariage et de son établissement à Amsterdam. Ses frères Barent et Johannes devaient à sa suite adopter le même nom. Son orientation vers la peinture vient peut-être de ce que son père la pratiquait déjà en amateur. Dès 1641, Carel fréquenta avec Hoogstraten (auteur d'un fameux livre sur la peinture en 1678) l'atelier de Rembrandt, jusqu'en 1643 peut-être, date de la mort de son épouse et de son propre retour à Middenbeemster (petite ville voisine d'Amsterdam). Remarié en 1650, Carel Fabritius va résider peu après à Delft, où il est mentionné à partir de 1651. Membre de la guilde des peintres de cette ville en 1652, il disparaît avec une grande partie de ses œuvres et son élève Mathias Spoors (son seul élève documenté) dans la tragique explosion de la poudrière de Delft, en 1654, déjà célèbre et regretté de ses contemporains, comme l'atteste une poésie d'Arnold Bon comparant Vermeer à quelque phénix renaissant des cendres de Fabritius.
Jusqu'en 1648 environ, les quelques œuvres connues ou attribuées avec certitude à Carel Fabritius le font apparaître comme un excellent disciple de Rembrandt dans la manière libre, monumentale et richement coloriée qui est celle de Flinck ou de Victors, autres élèves de Rembrandt : ainsi La Décollation de saint Jean-Baptiste, au Rijksmuseum d'Amsterdam, généralement considérée comme l'une des plus anciennes œuvres de Carel Fabritius (quoique contestée par certains), très proche du luminisme baroque de Flinck ; ainsi surtout La Résurrection de Lazare, du musée de Varsovie, œuvre capitale car signée, l'une des plus anciennes du maître, peinte dans l'esprit théâtral et la luminosité mouvante de La Ronde de nuit, qui date aussi de 1642, il faut le rappeler.
Quelques Têtes d'hommes (musée de Groningue, Louvre, Mauritshuis, La Haye) montrent une force de coloris, une pâte triturée, une solidité de construction qui rivalisent avec ce que Rembrandt déploie de plus libre et de plus vigoureusement indépendant et parviennent presque à son ineffable et si émouvant humanisme pictural.
Le portrait plus clair, plus carré et plus lisse d'Abraham de Potter, signé et daté de 1648 (Amsterdam), atteste un net changement stylistique et introduit à la dernière période de Fabritius, celle qui influença profondément le jeune Vermeer. Une matière crémeuse, l'usage de fonds clairs irradiants par leur seule texture picturale, un goût très prononcé pour les perspectives et les cadrages spatiaux, la fusion de la couleur et de la lumière poussée jusqu'à la plus grande logique (qui entraîne l'abandon du fameux clair-obscur rembranesque), un silence et un calme pictural de plus en plus sensibles, contrastant avec l'agitation baroque et le luminisme mystérieux des années 1640 chers à Rembrandt, apportent à Delft, vers 1650, une irremplaçable note prévermeerienne. Elle qualifie des chefs-d'œuvre comme Le Chardonneret (1654) du Mauritshuis, réussite d'illusionnisme pictural qui enchanta Thoré-Bürger, La Sentinelle (1654) du musée de Schwerin ou Le Musicien (1652, National Gallery, Londres) avec une curieuse découverte spatiale de Delft à l'arrière-plan, dans une vision de peinture figée réduisant le monde à un fascinant microcosme pictural (Vermeer s'en souviendra un peu plus tard dans sa fameuse Vue de Delft du Mauritshuis) : il est certain que le désastre de 1654 brisa une carrière artistique à peine arrivée à maturité.
Moins exceptionnel, mais plus productif, Barent Fabritius (1624-1673), jeune frère de Carel, appartient lui aussi à l'école de Rembrandt. Il[...]
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Écrit par
- Jacques FOUCART : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre
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