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CARICATURE

La caricature (de l'italien caricare, charger) est l'expression la plus évidente de la satire dans le graphisme, la peinture et même la statuaire. Elle fut longtemps confondue avec les manifestations du grotesque, mais depuis la fin des années 1950 on a cherché à préciser son domaine.

Dans la caricature, il convient de distinguer le portrait en charge, qui utilise la déformation physique comme métaphore d'une idée (portrait politique) ou se limite à l'exagération des caractères physiques (portraits d'artistes) et la caricature de situation, dans laquelle des événements réels ou imaginaires mettent en relief les mœurs ou le comportement de certains groupes humains.

Pour comprendre l'essence de la caricature, il est nécessaire de confronter les conceptions esthétiques et humaines de la Renaissance – qui ont permis à la caricature de naître – à celles du Moyen Âge.

Dans l'art du Moyen Âge, la figure humaine est associée à un ordre universel. Beauté et laideur sont hiérarchiquement représentatives des vertus et des vices qui, du haut en bas de l'échelle des valeurs, lient les deux infinis que sont le Ciel et l'Enfer. Leur signification est d'ordre métaphorique. Le choix que peut faire l'artiste d'une partie de cet ensemble n'est jamais exclusif. Au contraire, chaque « coupe » qu'il opère exalte l'ensemble du système, qu'il soit théologique ou alchimique. Le Moyen Âge vit sur un abîme où les formes proliférantes qui couvrent les surfaces d'un réseau serré de représentations divines, humaines, animales et végétales n'ont pas d'existence permanente assurée. Leur rapport analogique les rend, à chaque instant, capables de métamorphoses. La parodie constitue une manœuvre conjuratoire pour prévenir la « chute » possible (le roi et son bouffon, la fête des fous où la messe est tournée en dérision).

Il en va tout autrement à partir de la Renaissance, quand l'homme devient « la mesure de toute chose ». La séparation progressive de l'activité artistique en genres bien définis (sacré et profane, portrait, paysage, nature morte) sont autant de réductions du champ de la représentation en objets particuliers d'appréciation ainsi qu'en objets économiques. C'est donc à une rupture du fondement architectural de l'œuvre d'art que l'on assiste. L'homme, de sujet migrant dans l'univers des formes, devient son propre objet. Le problème de la forme en tant que permanence, et celui de la fidélité au modèle sont posés. Et les choix opérés impliquent des exclusions. Il est significatif de constater que les premières caricatures sont le fait de ceux qui ont le plus concouru à idéaliser le portrait et à en fixer les règles : Léonard de Vinci et les frères Carracche, comme si ces artistes avaient voulu créer le maximum d'écart entre la plus grande beauté possible et la plus grande laideur, celle-ci servant peut-être de pierre de touche à celle-là. Au-delà de la rupture dans le domaine des formes, la caricature exprime également la continuité de l'esprit satirique. La caricature ne saurait donc être réduite au portrait-charge, qui pose directement le problème du respect des formes, mais comporte aussi la satire des mœurs, qui doit une grande partie de son efficacité aux rapports qu'elle entretient avec l'écrit en tant que transposition de la parole ; d'où l'équivoque du mot « caricature », qui peut désigner soit une charge formelle, soit l'illustration critique d'une situation exemplaire. Dans ce dernier cas, elle relève doublement du langage, par le mot d'esprit qui scelle sa signification et par la représentation qui est l'équivalent de la description écrite.

Ainsi la caricature est-elle à la fois le lieu d'une fracture dans la représentation, où elle[...]

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<it>L'Automne</it>, G. Arcimboldo - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

L'Automne, G. Arcimboldo

Physiognomonie, J. K. Lavater - crédits : AKG-images

Physiognomonie, J. K. Lavater

<it>Jules César</it>, opéra de Haendel - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jules César, opéra de Haendel

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