FLESCH CARL (1873-1944)
Avec Adolf Busch, le Hongrois Carl Flesch est l'un des plus purs produits de cette école allemande du violon dont le fondateur est l'instrumentiste, chef d'orchestre et compositeur Louis Spohr (1784-1859). Caractérisée par un refus de la séduction facile, une noblesse naturelle et une grande rigueur de style, elle s'est exprimée au cours du xxe siècle – et s'exprime toujours – sous l'archet d'artistes aussi accomplis que Max Rostal, Reinhold Barchet, Norbert Brainin – un des fondateurs de l'Amadeus Quartet –, Igor Ozim, Edith Peineman, Thomas Brandis, Ulf Hoelscher, Thomas Zehetmair, Frank-Peter Zimmermann ou Anne-Sophie Mutter.
Carl Flesch naît le 9 octobre 1873 à Wieselburg, petite ville de l'empire austro-hongrois (aujourd'hui Mosonmagyaróvár, en Hongrie), située à 80 kilomètres environ de Vienne, dans une région alors totalement germanophone. De son enfance et de ses premières études, nous ne savons presque rien. Ses dons et ses moyens techniques ont dû cependant être suffisamment évidents et précoces pour que s'ouvrent devant lui les portes d'institutions aussi célèbres que le Conservatoire de Vienne – où il travaille avec Josef Maxintsak (1885-1886) et Jakob Grün (1886-1890) – et le Conservatoire de Paris où, de 1890 à 1894, il suit les cours d'Eugène Sauzay et de Martin Marsick ; le niveau à Paris est particulièrement élevé puisque l'on compte parmi ses condisciples Georges Enesco, Fritz Kreisler et Jacques Thibaud. En 1894, son premier prix du Conservatoire de Paris en poche, il commence immédiatement une brillante carrière de soliste, essentiellement en Autriche et en Allemagne. Il entame également une carrière d'enseignant qui fera de lui l'un des pédagogues les plus recherchés du début du xxe siècle. Son influence ne cesse de s'étendre : il enseigne au Conservatoire de Bucarest (1897-1902), à celui d'Amsterdam (1903-1908), à Berlin, où il s'établit en 1908 (il y donnera des cours privés de 1908 à 1934 et sera professeur à la Hochschule für Musik de 1928 à 1934), au Curtis Institute de Philadelphie (1924-1928), à Baden-Baden (où il donne des cours d'été de 1926 à 1934). Sous sa férule, Max Rostal, Szymon Goldberg, Norbert Brainin, Ginette Neveu, Henryk Szeryng, Ivry Gitlis, notamment, peuvent épanouir des personnalités aussi diverses qu'affirmées.
Tout autant que les concertos, la musique de chambre attire le grand violoniste. En 1908, il s'associe avec Arthur Schnabel dans un duo qui se transforme rapidement en trio avec, successivement, les violoncellistes Jean Gérardy, Hugo Becker et Gregor Piatigorsky.
En 1930, Carl Flesch adopte la nationalité allemande, tout en conservant la nationalité hongroise. Mais, le 20 juin 1935, Carl Flesch, qui est d'origine juive, est déchu de sa nationalité allemande par les nazis. Il fuit l'Allemagne et se fixe à Londres. Dans les premiers mois de la Seconde Guerre mondiale, il est aux Pays-Bas, où il honore des engagements, mais il y est piégé par l'offensive allemande de mai 1940 ; il ne pourra gagner Budapest qu'en 1942, grâce notamment à l'intervention de Ernst von Dohnányi. En avril 1943, il parvient à gagner la Suisse et s'établit à Lucerne, où il enseigne au conservatoire durant les derniers mois de son existence et rédige ses Mémoires, Erinnerungen eines Geigers (« Souvenirs d'un violoniste »), qui ne seront publiées qu'après sa mort. C'est un maître unanimement respecté qui s'éteint à Lucerne le 15 novembre 1944.
Ce grand artiste s'est notamment exprimé sur un Storioni, un Goffriller, un Guadagnini, un Pietro Guarneri et un Stradivarius de 1725, le « Brancaccio ».
Carl Flesch a publié de nombreux ouvrages techniques et pédagogiques qui constituent la base de la technique moderne du violon, parmi lesquels[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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