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GAUSS CARL FRIEDRICH (1777-1855)

L'unité des mathématiques

Gauss nous est aussi particulièrement proche par le sentiment profond de l'unité des mathématiques qui se dégage de son œuvre. Assurément, on trouve bien avant Gauss des manifestations fort nettes de l'idée que la classification des sciences mathématiques suivant leur objet apparent est un point de vue superficiel, la plus évidente de ces manifestations étant la création de la géométrie analytique ; mais cette tendance unitaire trouve chez Gauss de nouvelles expressions tout à fait originales. Son esprit universel ne pouvait aborder une théorie sans qu'il n'y découvrît des liens (parfois fort cachés) avec des parties toutes différentes des mathématiques ; ce qui est particulièrement frappant quand on le voit par exemple tirer de son intarissable imagination quatre démonstrations du théorème fondamental de l'algèbre et jusqu'à sept de la loi de réciprocité, s'appuyant toutes sur des principes différents.

Une des idées les plus fécondes dans ce domaine est la représentation géométrique des imaginaires, à laquelle Gauss était parvenu (indépendamment de Wessel et Argand) dès sa dix-neuvième année. Il est caractéristique de son tempérament qu'il n'y ait pas un mot de cette représentation dans sa thèse (consacrée à sa première démonstration du théorème fondamental de l'algèbre), mais pour nous il est clair qu'elle s'y inscrit comme en filigrane, toute la méthode se fondant sur des considérations de topologie du plan. C'est seulement en 1831 qu'il se hasarda pour la première fois à donner explicitement une définition des nombres complexes par cette méthode ; cependant, dans ses papiers non publiés de son vivant, on constate que, dès le début du siècle, il maniait ces idées avec tant d'aisance qu'il pouvait inversement tirer du calcul sur les nombres complexes des démonstrations de géométrie ; il avait ainsi reconnu, en particulier, le lien (redécouvert plus tard par Klein) entre les rotations de sphère et les transformations homographiques :

du plan de la variable complexe. De plus, une lettre célèbre, adressée à Bessel et datée de 1811, nous montre qu'il était déjà familier avec le comportement des fonctions analytiques d'une variable complexe, notamment autour d'un point où s'échangent les déterminations de la fonction, et qu'il avait aussi envisagé les intégrales :
le long d'un contour fermé Γ, et savait qu'une telle intégrale est nulle lorsque la fonction est régulière. Mais il ne poussa pas plus avant cette voie, où Cauchy devait s'illustrer quelques années plus tard.

Plus étonnante encore est la série de recherches (restées non publiées de son vivant) avec lesquelles Gauss, dès les premières années du siècle, s'inscrit comme le précurseur d'une large part de la théorie des fonctions elliptiques et de la fonction modulaire, une des œuvres maîtresses du xixe siècle. Il s'agit peut-être là de la partie la plus profonde de toute l'œuvre de Gauss et, en raison de son caractère technique, il est difficile d'en donner ici plus qu'un aperçu fugitif. Dès l'âge de quatorze ans, Gauss avait réinventé la moyenne arithmético-géométrique M(a, b) de deux nombres positifs, limite commune des deux suites définies par :

et, quelques années plus tard, il avait aussi retrouvé l'expression de M(a, b) par une intégrale elliptique :
(déjà connue de Lagrange). Mais, dès avant 1800, Gauss dépasse de loin tous ses devanciers en introduisant la série :
(retrouvée par Jacobi en 1827) et en exprimant M(a, b) par un quotient de deux séries reliées à la série θ, dont il obtient aussi des expressions en produits infinis ; puis, d'abord pour l'intégrale elliptique particulière :
et, peu après, pour l'intégrale elliptique générale,[...]

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