CARUS CARL GUSTAV (1789-1869)
Issu d'une famille d'artisans aisés et cultivés de Leipzig, Carus, dès ses études achevées (1811), enseigne à l'Université l'anatomie comparée et se perfectionne en gynécologie, tout en poursuivant sa formation de peintre. Le typhus, contracté en soignant les blessés de la bataille de Leipzig, le laisse plusieurs jours entre la vie et la mort, événement qu'il décrit dans ses Souvenirs et pensées (1865-1866) comme un « tournant décisif » de sa biographie.
En 1814, Carus, appelé à Dresde, y prend la direction de l'institut d'obstétrique nouvellement fondé. Il se lie bientôt (1817) d'une profonde amitié avec le peintre C. D. Friedrich, qui lui ouvrira l'accès à la dimension « orphique » du paysage, et depuis 1818 correspond avec Goethe qui, le recevant à Weimar en 1821, reconnaît en lui le plus sûr de ses continuateurs dans la constitution d'une science spécifique du vivant : ses Cahiers de morphologie (1817-1823) accueillent plusieurs contributions de Carus, dont ses Fondements d'une étude générale de la nature (1823). L'année précédente, il avait fondé avec Oken la Société germanique des naturalistes et médecins, formulant lors de l'assemblée inaugurale Ce que l'on attend d'une future méthode scientifique. Nommé en 1827 médecin personnel du roi de Saxe et à la Commission médicale du royaume, Carus sera responsable de la lutte contre le choléra en 1831. Il cesse d'enseigner — mais exercera jusqu'en 1867. Son vaste horizon s'élargit encore : grâce à son ami le prince Jean, il découvre l'univers de Dante et de la pensée scolastique. C'est autour de 1830 que Carus effectue le passage de la morphologie et de la physiologie à l'anthropologie — en même temps qu'il approfondit sa conception du lien entre l'art et la science, exposée en 1831.
La clef de ce passage est donnée dans la notion d'inconscient que Carus élabore dans la ligne du premier Schelling, et surtout par une extension de la notion goethéenne de métamorphose. Sensible dès les Leçons de psychologie (1831), le passage est accompli dans son œuvre maîtresse Psyché (1846 ; rééd. 1851), tandis que dans son Goethe (1843) Carus applique son anthropologie à la compréhension du processus de création dans la biographie d'une grande individualité. À partir de là, il revient à une étude de la vie organique de l'homme (Physis, 1851) et de sa dimension physiognomonique (Symbolique de la forme humaine, 1854), avant de donner dans Organon de la connaissance de la nature et de l'esprit (1856) et dans Nature et idée, ou le Devenir et sa loi (1861) une synthèse de sa philosophie de la nature.
Cependant, la révolution de 1848 a marqué pour Carus une césure : l'esprit « démocratique » lui paraît le pendant d'une science analytique génératrice de progrès technique, mais oublieuse de l'homme. Le darwinisme, qu'il combat (Symbolique comparée des squelettes de l'homme et du singe, 1861 ; Psychologie comparée, 1866) au nom d'une conception idéaliste du devenir (Le Concept et le processus de genèse, 1859), le confirme dans son attitude critique.
Représentant typique du romantisme par son universalisme, Carus n'est pas pensable sans Schelling, et son maniement de l'analogie manifeste sa dette à l'égard de Novalis au moins autant que de Lorenz Oken. Son admiration pour Beethoven le rapprocherait d'un E. T. A. Hoffmann, son intérêt pour le côté « nocturne » de l'existence d'un G. H. Schubert. « Exécuteur testamentaire du romantisme philosophique » (A. Béguin) ? Sans doute.
Mais sans se départir d'une vénération religieuse pour le mystère de la vie divine, cosmique, agissante dans la nature et dans l'homme (« panenthéisme »), Carus pratique une rigoureuse méthode « génétique » pour[...]
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Écrit par
- Paul-Henri BIDEAU : ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV
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