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JUNG CARL GUSTAV (1875-1961)

Jung - crédits : Dmitri Kessel/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Jung

Jung n'est pas seulement un psychiatre rival de Freud ou son continuateur. Il est avant tout le témoin d'une réalisation intérieure dont sa méthode psychologique et son œuvre sont les fruits. Cette aventure fait rentrer dans le domaine scientifique l'antique quête du Graal et l'audacieuse descente aux enfers de Faust. Jung a rencontré sur son chemin d'adolescent la figure fascinante qui avait conduit à la folie Frédéric Nietzsche, comme lui bâlois d'adoption : celle de Zarathoustra, le messager du surhumain. À son tour il s'est vu contraint par le destin d'affronter ce qui est, en définitive, l'unique problème de l'âme moderne : l'homme peut-il être surmonté et par quelle voie ? Plus heureux que son devancier, il lui a été donné de conjurer les périls de cette entreprise herculéenne et de la rendre à nouveau possible. Au terme de sa carrière, il présente en modèle, non le héros, qu'il ait nom Siegfried, Faust ou le Surhomme, mais un paisible couple de vieillards, Philémon et Baucis, hôtes humbles et bienheureux des dieux, promis par eux à l'immortalité.

Les étapes d'une recherche

Carl Gustav Jung est né à Kesswill, sur la rive suisse du lac de Constance. Son père, pasteur, s'installa peu après à Schloss-Laufen, au bord de la chute du Rhin, puis à proximité de Bâle, ville où le jeune Carl Gustav fit ses études et acquit le titre de médecin. Jung vit se poser à lui, dès ses premières années, la double question qui domina sa vie : « Qu'est le monde et qui suis-je ? » et, malgré l'intense curiosité qui le portait vers la réalité extérieure, il devina d'emblée que la réponse se trouvait au-dedans de lui et non au-dehors. L'insuffisance du cadre religieux éclata aux yeux de ce fils d'un pasteur torturé par le doute. La notion chrétienne d'un Dieu tout amour ne résista pas à ses premières expériences intimes, qui lui révélèrent au fond de lui-même un mysterium tremendum, une source d'effroi sacré. Mais, avec le bon sens qui accompagna toujours chez lui l'audace et lui évita de connaître le sort d'un Nietzsche, il comprit que l'homme doit d'abord se forger une personnalité solide. Aussi, pendant une longue période, il tint vigoureusement à l'arrière-plan l'hôte dangereux qui le sollicitait pour se consacrer à l'étude de la science de son temps. La psychiatrie lui parut offrir un moyen d'aborder la totalité de l'homme. Ses études achevées, il entra au Burghölzli, hôpital psychiatrique du canton de Zurich où il fut l'élève d'Eugen Bleuler. Après avoir soutenu sa thèse sur « la psychopathologie des phénomènes dits occultes » (1902), il y prépara ses premières publications : études sur les associations (1903) et la démence précoce (1907). Jung s'efforça de dépasser une attitude purement descriptive de la maladie mentale et de la comprendre de l'intérieur.

Les travaux de Freud ayant attiré son attention, il lia avec l'auteur de L'Interprétation des rêvesune amitié féconde qui dura sept ans. L'esprit de système de son aîné l'éloigna peu à peu de lui : Jung ne pouvait accepter une conception de l'énergie psychique ( libido) limitée, pour les besoins d'une théorie, à l'impulsion sexuelle. La rupture entre les deux hommes devint inévitable après la parution de Métamorphoses et symboles de la libido(1912) où Jung examinait les matériaux fournis par une jeune Américaine et les rattachait aux grands mythes de l'humanité. Elle fut consommée l'année suivante. À la même époque, Jung, qui s'était installé à Küsnacht, près de Zurich, au bord du lac, où il exerça jusqu'à sa mort, abandonna son poste de Privatdozent à l'université de Zurich. Désormais seul et à la recherche d'une orientation,[...]

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