WEBER CARL MARIA VONN (1786-1826)
C'est à Weber qu'appartient le mérite d'avoir achevé de donner à l'opéra allemand une existence, une crédibilité et une esthétique propres et de lui avoir permis de tenir tête à l'invasion italienne. Nullement limitée à l'Allemagne, l'influence de Weber a été considérable sur de nombreux compositeurs du xixe siècle, tels que Mendelssohn, Berlioz, Chopin, Glinka, Wagner. Elle s'est exercée principalement dans les domaines de l'orchestration, du traitement du clavier, de certaines tournures mélodiques et de l'esthétique dramaturgique. Selon une définition très fine de Debussy, Weber est « le premier musicien qui ait été inquiété par le rapport qu'il doit y avoir entre l'âme de la nature et l'âme d'un personnage ». Cette attitude correspond à la philosophie panthéiste allemande, telle qu'elle a été exprimée par Schelling (Die Weltseele, « L'Âme du monde »), par les poètes romantiques, ou par des peintres comme Caspar David Friedrich. L'approche de Weber, dépourvue de cérébralisme, s'est nourrie dans une large mesure aux traditions populaires, légendaires et merveilleuses. Sa musique, qui peut être tour à tour onirique, évocatrice, hédoniste sans prétentions, ou rustique, parle avant tout à l'imagination et à la sensibilité. On peut rapprocher en cela Weber de Schubert, mais sans le côté volontiers angoissé et douloureux de ce dernier. Romantique par le choix de ses sujets et par son langage musical, Weber observe cependant dans son art une objectivité qui révèle une nature ouverte sur le monde extérieur et un refus de l'introspection ; d'où à la fois l'équilibre et la clarté de sa musique, son efficacité narrative, mais aussi, lorsqu'il reste au-dessous des sommets qu'il est capable d'atteindre, les limites de son amabilité superficielle.
Une brève mais brillante carrière
Carl Maria von Weber naît à Eutin (Holstein) le 18 (ou 19) novembre 1786. Sa cousine, Constance Weber, était l'épouse de Mozart. Son père, Franz Anton, après avoir été Stadtmusiker (musicien de la ville), avait organisé à Hambourg sa propre entreprise théâtrale, la Webersche Schauspielergesellschaft. C'était le début d'une existence itinérante, et celle de Weber allait le rester dans une large mesure. À Hildburgshausen, à l'âge de dix ans, il rencontre Johann Peter Heuschkel, qui lui donne les bases de la technique pianistique. L'année suivante, arrivant à Salzbourg, il est présenté à Michael Haydn, frère de Joseph, avec qui il étudie l'écriture musicale. En 1798, après la mort de sa mère, son père le place à Munich sous la tutelle du professeur de chant Johann Evangelist Wallishauser (connu aussi sous son nom italianisé de Valesi) et de l'organiste Johann Nepomuk Kalcher. De cette période datent ses premiers essais d'opéras, Die Macht der Liebe und des Weins (« La Puissance de l'amour et du vin »), perdu, et Das Waldmädchen (« La Fille des bois »), écrit en 1800, qui ne s'est conservé que fragmentairement ; ils sont suivis en 1801 de Peter Schmoll und seine Nachbarn (« Peter Schmoll et ses voisins »), écrit lors du retour à Salzbourg, sous la supervision du Michael Haydn. Il achève à cette même époque une messe, dite Jugendmesse (« messe de jeunesse »), et un recueil de Six Pièces pour piano. Cependant, considérant encore sa formation musicale insuffisante, Weber se rend à Vienne dans l'espoir de travailler cette fois avec Joseph Haydn. Au lieu de cela, il y deviendra l'élève de l'abbé Georg Joseph Vogler. Bien loin de valoir Haydn, ce musicien, grand voyageur et folkloriste, aura au moins le mérite d'inculquer à Weber le goût, propre aux romantiques, de l'exotisme. À Vienne, Weber se familiarise en outre avec le chant populaire et avec le jeu de la guitare.[...]
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Écrit par
- André LISCHKE : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité
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