NIELSEN CARL (1865-1931)
Malgré l'importance de son œuvre, Carl Nielsen commence seulement à figurer parmi les grands noms de la musique européenne. Être scandinave est déjà un handicap qui se double, dans le cas de Nielsen, d'une ambiguïté : le Danemark, son pays d'origine, est perçu par les Latins comme la partie avancée de l'Allemagne vers la Baltique, alors que les Norvégiens, les Suédois et les Finlandais suspectent les Danois d'être les plus Latins des Nordiques... Cette ambiguïté rejaillit sur la musique de Nielsen.
En outre, la partie de son œuvre la plus importante pour les critiques – ses symphonies – a souffert et souffre encore de leur coloration mahlérienne ; et l'intérêt porté à cet autre géant du Nord qu'est Sibelius n'a pas facilité la tâche de ceux qui ont voulu redonner au compositeur danois la position charnière qu'il est en droit d'occuper tant par son origine que par son œuvre.
L'activité créatrice de Nielsen est contemporaine de celle de Sibelius : ils naissent tous deux en 1865, et la dernière œuvre orchestrale de Nielsen date de 1928, deux ans après que Sibelius a cessé de composer. Mais si tous deux laissent à la postérité un message essentiel à travers un cycle de symphonies très personnelles, le parallèle s'arrête presque là. Nielsen est un compositeur nationaliste ; il a en particulier écrit de très nombreuses œuvres vocales en danois, dont certaines étaient destinées directement à développer le chantchoral dans son pays. Il est, par tempérament, beaucoup moins isolé du monde germanique ; il comprend Wagner, même s'il refuse l'idée du leitmotiv, qu'il trouve simpliste, et il compose deux opéras – fait quasi exceptionnel pour un Scandinave ; son goût passionné pour Mozart s'exprime dans son Quintette à vent, op. 43, de 1922, et dans le Concerto pour clarinette op. 57, de 1928 ; il écrit beaucoup de musique de chambre, notamment des quatuors. La musique russe lui est étrangère pour les mêmes bonnes raisons qui font que l'on ne peut éviter de la mentionner pour caractériser l'univers de Sibelius. Nielsen enfin se distingue par la production de trois concertos, genre où les Nordiques ont rarement excellé et dont l'expression peut servir, là encore, à latiniser l'image de ce compositeur danois.
Un enfant du terroir
Carl Nielsen naît le 9 juin 1865 à Nørre Lyndelse, un village de Fionie tout proche d'Odense, la ville natale d'Andersen. Il est le fils de Niels et de Maren Kirstine Jørgensen et, selon la coutume scandinave, Nielsen tient son nom de l'appellation de « fils de Niels » (Niels'sen). La famille Jørgensen était extrêmement pauvre : les douze enfants – Nielsen était le septième – se partageaient les deux uniques pièces d'une maison que cinq d'entre eux quitteront pour émigrer aux États-Unis ; deux autres mourront en bas âge. Le père ajoutait à ses modestes revenus de peintre ceux de musicien amateur, animant mariages et fêtes de campagne (il jouait du violon et du cornet). Si Nielsen doit à son père les rudiments de la pratique instrumentale – il joue du violon à six ans, puis est enrôlé dans le « Braga », groupe de musiciens traditionnels formé par les villageois –, c'est de sa mère qu'il va tenir le fonds d'inspiration populaire qui réapparaîtra surtout dans ses œuvres vocales. En bonne villageoise, elle connaissait tout un répertoire de chants traditionnels qui formeront Nielsen à la mélodie. De ses années d'enfance, Nielsen parle avec beaucoup de finesse dans un livre autobiographique, My Childhood in Fyen (Mon enfance en Fionie), paru en 1925 pour son soixantième anniversaire.
En 1879, à quatorze ans, Nielsen gagne un concours destiné à recruter un musicien pour le régiment d'Odense. Il quitte sa famille et part pour la ville, où il rencontre un vieux[...]
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Écrit par
- Michel VINCENT : maître en lettres modernes et linguistique générale, chargé de cours à la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence, producteur à Radio-France, directeur antenne musique, Radio France Internationale
Classification
Autres références
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- Écrit par Michel VINCENT
- 755 mots
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