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RAGGHIANTI CARLO LUDOVICO (1910-1987)

Doué d'une extraordinaire capacité de travail, le critique d'art italien Carlo Ludovico Ragghianti a exploré et interprété des problèmes très variés mais sans aucune dispersion, car tous ses travaux se rassemblent autour d'un sujet central : la vérification de la méthode critique.

C'est là le fil conducteur d'une pensée approfondie sans cesse, pendant plus de cinquante ans et avec une cohérence absolue, dans d'innombrables essais, étapes d'une réflexion rigoureuse, ouverte à des développements ultérieurs. Pour éclairer la signification de cette recherche, il faut rappeler que, dans sa jeunesse, Ragghianti étudia la philosophie de Benedetto Croce qu'il assimilera profondément sans jamais l'imiter de façon passive. Puisant les origines de sa pensée surtout dans Kant et Vico, mais aussi dans Fiedler, et tout en reconnaissant l'apport de J. Dewey, il prend ses distances par rapport à la conception idéaliste et trop abstraite de l'art considéré comme intuition pure et propose l'art comme « réalisation » et les œuvres comme « êtres vivants » intégrés dans l'histoire.

Sa recherche a été exprimée avant tout comme une exigence éthique d'une telle intensité qu'elle devint même quelquefois catégorique, rejetant les opinions différentes ou exprimées de facon superficielle. Ainsi s'explique son opposition à toute théorie positiviste, et en particulier son refus des courants iconologiques et sociologiques, quand ils sont proposés comme grille d'interprétation exclusive. Sa position rigoureuse l'a éloigné des sujets d'actualité et des préoccupations plus limitées des connaisseurs, même si lui-même, doté d'une mémoire visuelle prodigieuse, était un véritable expert, rebelle à la fermeture d'esprit du spécialiste. Il était bien conscient de cet isolement, mais la cohérence de sa pensée primait tout.

L'approfondissement historique le conduisit à de continuelles révisions critiques. Parmi ses publications, il faut rappeler : les études sur l'art préhistorique, l'art africain et la peinture de Pompéi, les grands ouvrages sur le Moyen Âge, la peinture de Ferrare, Brunelleschi, Canova, les peintres impressionnistes et, enfin, l'incessante recherche sur l'art contemporain qui aboutit en partie à la grande exposition florentine de 1967 (L'Art en Italie, 1915-1935) et à la révision des avant-gardes contenue dans le volume Mondrian e l'Arte del XX secolo (1962). Ragghianti traite souvent des sujets qui dans le passé étaient considérés comme marginaux : le cinéma (qu'il utilise aussi comme instrument critique appliqué aux autres arts), le décor et le spectacle en général.

Il faut évoquer aussi l'animateur culturel : en 1935, il fonde et dirige (en collaboration, pendant quelques années, avec Ranuccio Bianchi Bandinelli et Roberto Longhi) la revue Critica d'Arte, publiée encore aujourd'hui ; avec son épouse Licia Collobi il est directeur, de 1952 à 1962, de la revue Sele-Arte, qui contribue précocement à la vulgarisation des sujets artistiques. Rappelons également qu'il a dirigé, jusqu'en 1972,1'Institut d'histoire de l'art de l'université de Pise. N'oublions pas non plus son engagement personnel : militant antifasciste, il fait partie du premier gouvernement après la guerre et s'occupe alors de la sauvegarde du patrimoine artistique.

La multiplicité de ses activités n'a pas toujours permis à Ragghianti d'entreprendre des recherches systématiques, mais la précision de son intuition et la qualité de ses connaissances l'ont conduit à faire d'importantes mises au point qui ont contribué à confirmer l'apport décisif de sa participation dans le domaine de la critique contemporaine.

— Rindo FRILLI

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Écrit par

  • : docente di storia dell'arte nelle scuole superiori, Florence

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