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RUBBIA CARLO (1934- )

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Carlo Rubbia est né en 1934 à Gorizia, petite ville de l'Italie du Nord située non loin de la frontière slovène.

Après sa thèse sur les rayons cosmiques sous la direction de Marcello Conversi, il obtient en 1958 une bourse pour poursuivre ses recherches à l'université Columbia à New York. Doté d'un synchrocyclotron, le laboratoire Nevis était à cette époque l'un des centres les plus avancés dans le domaine de l'interaction faible auquel Carlo Rubbia va consacrer l'essentiel de ses recherches pendant les trois décennies suivantes. Après dix-huit mois à Columbia, il revient à Rome où Conversi s'était installé entre-temps. L'équipe prépare une expérience au synchrocyclotron du Cern (Laboratoire européen pour la physique des particules ; le nom vient à l'origine de Conseil européen pour la recherche nucléaire). Cette machine était bien supérieure à celle de Nevis, mais surtout Rubbia s'enthousiasme pour l'idée, alors novatrice, de la collaboration entre scientifiques européens. En 1961, il devient physicien permanent du Cern, position qu'il n'a cessé d'occuper jusqu'à sa retraite.

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Commence alors une série d'expériences sur les interactions faibles. Mais ce domaine a un besoin vital de plus hautes énergies. En 1973, avec deux physiciens américains David Cline et Alfred Mann, Rubbia propose une importante expérience neutrino auprès du nouvel accélérateur américain de Fermilab doté d'une énergie dix fois supérieure à celle du synchrotron à protons (PS) du Cern. L'année suivante, l'équipe observe pour la première fois la production de di-muons dans les interactions de neutrinos, forte indication de la présence d'un quatrième quark — le charme — qui sera confirmée avec éclat quelques mois plus tard par les équipes du Stanford Linear Accelerator Center (SLAC) et de Brookhaven.

De 1970 à 1988, il est Higgins Professor of Physics, chaire prestigieuse de l'université Harvard aux États-Unis. Pendant ce temps, il ne renonce pas à son activité expérimentale auprès des accélérateurs du Cern auquel il consacre l'essentiel de son temps. Un semestre sur deux, il traverse donc l'Atlantique chaque semaine pour donner des cours.

Dès le milieu des années 1970, la théorie de Weinberg, Salam et Glashow, qui donne une description unifiée de l'interaction électromagnétique et de l'interaction faible, était devenue la référence des spécialistes. Elle impliquait l'existence d'un triplet de particules de champ comme médiateurs de l'interaction faible et prévoyait pour ces bosons (W+, W et Z0) des masses très élevées, soit environ quatre-vingt-dix fois la masse du proton. Rubbia (avec deux collègues américains David Cline et Peter Mc Intyre) propose, en 1976, de transformer la machine du laboratoire Fermi en collisionneur proton-antiproton. Cette expérience, refusée par Fermilab, va être accueillie par le Cern, qui accepte en 1978 de transformer le tout nouveau synchrotron à protons (SPS) en collisionneur. Le procédé mis au point par Simon Van der Meer permit de surmonter cet obstacle technique, ce qui valut à son auteur de partager le prix Nobel de physique avec Rubbia en 1984.

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La physique auprès des ISR avait montré que, pour tirer le meilleur parti des collisions frontales, il fallait des détecteurs appropriés, capables en particulier d'envelopper complètement le point de collisions. Rubbia fait preuve encore de hardiesse dans la réalisation — en trois ans — du détecteur UA1 qui comprend de nombreuses innovations technologiques. La complexité de la tâche l'amène pour la première fois à concevoir la collaboration UA1 comme une coalition comprenant plus de cent trente physiciens appartenant à une dizaine d'institutions. Un boson chargé au repos se désintègre en donnant un électron et un neutrino, avec des impulsions égales et de directions opposées. Le détecteur montrerait donc comme signature un électron énergique isolé. Quant au neutrino, celui-ci n'interagit pas mais on détecte son « empreinte » par un trou dans le bilan des quantités de mouvements de toutes les particules visibles. Ce procédé de détection des neutrinos par un détecteur « étanche » est une des grandes innovations introduites par UA1. Pendant cinq ans, le programme antiproton (comprenant UA1 puis UA2) va être le programme-phare du Cern avant la mise en service du LEP durant l'été de 1989. Rubbia devient alors directeur général du Cern pour un mandat de cinq ans, qu'il exerce de 1989 à 1993. Constatant que 50 p. 100 de la communauté mondiale des physiciens des particules travaillent au Cern, il va s'attacher à développer des accords bilatéraux avec les pays non membres. L'organisation s'ouvre en 1991 et 1992 à plusieurs pays européens (Finlande, Pologne, Hongrie, ex-Tchécoslovaquie), tandis que la Russie et Israël deviennent « membres observateurs ».

Soucieux d'assurer l'avenir du laboratoire, il accélère les développements, qui doivent porter l'énergie du LEP à 200 gigaélectronvolts, ouvrant ainsi la voie à la physique des bosons chargés W et, surtout, a accéléré les études du LHC (Large Hadron Collider).

En fait, Rubbia est beaucoup plus qu'un « spécialiste des interactions faibles », même si, en effet, la presque totalité de ses travaux porte sur ce domaine frontière. Il œuvrera à la collaboration scientifique au niveau international. Ainsi, soucieux du potentiel, mais aussi des difficultés, de la science russe, il permet la création, en 1993, par l'Union européenne d'une fondation internationale, l'I.N.T.A.S. (International Association for the Promotion of Cooperation with Scientists from the Former Soviet Union). La même année, il assiste à la mise en service du rayonnement synchroton Elettra à Trieste dont il a présidé la réalisation, devient conseiller scientifique du commissaire européen Antonio Ruberti et propose un projet de réacteur nucléaire aux propriétés de stabilité exceptionnelles et qui n'engendrerait que des quantités très faibles de déchets actinides à longue durée de vie comme le plutonium. Rubia, avec quelques collaborateurs, continue d'explorer les potentialités de cette nouvelle approche de la production d'énergie nucléaire.

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En 2008, Carlo Rubia poursuit son enseignement à l'université de Pavie en Italie et préside l'E.N.E.A. (Institut pour les nouvelles technologies, l'énergie et l'environnement), agence italienne créée en 1982.

— Robert KLAPISCH

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  • ANTIMATIÈRE

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    ...de cette expérience a valu le prix Nobel de physique à S.  Van der Meer, qui construisit la machine à stocker et refroidir les antiprotons, ainsi qu'à Carlo Rubbia, qui dirigeait l'une des deux expériences du C.E.R.N. Un complexe à antiprotons similaire, mais plus puissant, a été ensuite installé au...
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