SEVERI CARLO (1952- )
L’anthropologue italien Carlo Severi est membre du laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France depuis 1985 et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Ses travaux portent sur l’anthropologie cognitive, plus particulièrement sur l’anthropologie de la mémoire.
Une autre approche du rituel
Né le 9 décembre 1952, Carlo Severi étudie tout d’abord la philosophie à l’université de Milan. Il obtient une maîtrise dans ce domaine en 1976, puis se tourne vers l’anthropologie. Sous la direction de Claude Lévi-Strauss (1908-2009), il présente une thèse sur la mémoire rituelle dans une société chamaniste amérindienne, les Kuna du Panamá, chez lesquels il a effectué des missions de terrain entre 1977 et 1982. Influencé par la linguistique pragmatique et par l’historicisme d’Ernesto De Martino (1908-1965), il met à l’épreuve du structuralisme lévi-straussien deux questions qui semblaient lui échapper : le rituel et la tradition. L’étude du rituel lui permet de décrire les modes d’énonciation qui s’enchaînent dans des séquences d’action afin de comprendre quel type de mémoire et d’historicité se joue pour les humains engagés dans l’action rituelle.
Les énoncés rituels articulent en effet plusieurs régimes de signes : iconiques et aniconiques, visuels et sonores, verbaux et non verbaux, oraux et écrits, ordinaires et extraordinaires, profanes et sacrés… Pour dénouer cet écheveau de signes, Carlo Severi étudie le type d’identification qui s’y opère à partir de propriétés apparemment contradictoires qui émergent dans l’activité d’interlocution. Par exemple, dans le rituel mélanésien du naven analysé par l’anthropologue Gregory Bateson dans les années 1930, et dont Carlo Severi décrit minutieusement toutes les implications avec l’anthropologue africaniste Michael Houseman (co-auteur de Naven ou le Donner à voir. Essai d’interprétation de l’action rituelle, 1re éd. 1994), l’échange verbal entre l’oncle maternel et son neveu utérin à l’occasion d’une cérémonie de travestissement utilise un certain nombre d’indicateurs non linguistiques (masques, maquillages, costumes) pour définir le sens des mots échangés, l’identité des énonciateurs et le type de relation qu’ils s’échangent, notamment en inversant les positions de mère et de fils, de fils de sœur et de femme, etc. Carlo Severi s’appuie également sur les travaux linguistiques de l’anthropologue mayaniste William Hanks, avec lequel il a publiéTranslating Worlds : The EpistemologicalSpace of Translation (2015, qui renouvellent l’analyse pragmatique du contexte d’un énoncé en décrivant comment celui-ci émerge par un processus d’enchâssement qui constitue un champ d’énonciation.
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Écrit par
- Frédéric KECK : directeur de recherche CNRS, membre du Laboratoire d'anthropologie sociale
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