KLEIBER CARLOS (1930-2004)
S'inscrivant dans la lignée d'Arturo Toscanini, de Wilhelm Furtwängler, de Bruno Walter, d'Otto Klemperer ou de son père Erich Kleiber, Carlos Kleiber fut l'un des rares chefs d'orchestre de légende de la seconde moitié du xxe siècle. À une époque où le monde de la direction d'orchestre était régi par le star-system, il est resté à l'écart de cette lame de fond. Sa notoriété reposait sur un talent et un charisme exceptionnels, mais aussi sur la rareté de ses apparitions et un sens du mystère amplifié par le refus de toute interview. Les plus grands orchestres et opéras rêvaient, en vain, de l'avoir comme directeur musical (même l'Orchestre philharmonique de Berlin lui avait proposé de succéder à Karajan). Son souci d'indépendance avait toujours eu le dernier mot.
Discipline et enthousiasme
Né à Berlin le 3 juillet 1930, Carlos Kleiber quitte l'Allemagne pour l'Argentine en 1935 lorsque son père claque la porte de la Staatsoper de Berlin en signe de protestation contre le régime nazi. Il fait ses études musicales (piano et timbales) à Buenos Aires et adopte la nationalité argentine, qu'il conservera jusqu'à la fin de sa vie. Son père l'envoie à Zurich pour faire des études de chimie à la Technische Hochschule (1949-1950). Mais la musique a le dernier mot. Carlos Kleiber dirige son premier concert à La Plata en 1952. De retour en Europe, il est répétiteur au Gärtnerplatztheater de Munich et dirige sa première représentation lyrique (Gasparone, une opérette de Carl Millöcker) à Potsdam en 1954 sous le pseudonyme de Karl Keller : l'ombre du père pèse déjà sur ses épaules. Il occupe différents postes dans les opéras de Düsseldorf (répétiteur puis chef d'orchestre, 1956-1964), Zurich (1964-1966), Stuttgart (premier chef, 1966-1972) et Munich (invité permanent, 1968-1978). Il se fait déjà remarquer par l'intransigeance de son travail, le soin qu'il accorde aux répétitions, sa lutte contre la routine qui envahit l'univers de l'opéra en Allemagne.
Sa carrière prend alors un essor international, toujours dans le domaine lyrique : festival d'Édimbourg en 1966 (Wozzeck de Berg), Staatsoper de Vienne en 1973 (Tristan et Isolde de Wagner), Covent Garden et Scala de Milan en 1974 (Le Chevalier à la rose de Richard Strauss), Opéra de San Francisco en 1977 (Otello de Verdi), Metropolitan Opera de New York en 1988 (La Bohème de Puccini). De 1974 à 1976, il dirige Tristan et Isolde au festival de Bayreuth. Seule Vienne parvient à le retenir, à la Staatsoper et avec l'Orchestre philharmonique, où il dirige notamment le concert du Nouvel An en 1989 et 1992. Il adopte d'ailleurs la nationalité autrichienne en 1980. Ses apparitions au concert avec d'autres formations sont plus rares : Orchestre symphonique de Chicago (1978 et 1983), Orchestre symphonique de Londres et Orchestre philharmonique de Berlin (1982). Il refuse la plupart des invitations et ne reprend la baguette que lorsqu'il a besoin de renflouer son compte en banque. À partir de 1994, il ne se produit pratiquement plus. Il ne dirigera jamais en France. Ses dernières années sont marquées par la maladie et il meurt le 13 juillet 2004 à Konjsica, en Slovénie.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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