CARMEN (G. Bizet)
Genèse et destin de l’œuvre
Malgré l’échec de Djamileh en 1872, Camille Du Locle et Adolph de Leuven, directeurs de l’Opéra-Comique de Paris, demandent à Bizet de composer un nouvel opéra-comique. Meilhac et Halévy présentent plusieurs livrets. C’est Bizet lui-même qui propose la Carmen de Mérimée. Les librettistes vont habilement l’adapter, en mettant au premier plan le personnage du toréador Escamillo et en créant celui de la douce et pure Micaëla, qui contraste avec la brutalité des autres protagonistes et incarne pour don José, être violent, l’idéal d’une vie réglée. Dans Carmen, l'exotisme triomphe à une époque où les « espagnolades » ne sont que touches de couleur sans véritable authenticité. Le travail sur la partition, entamé en 1873, est achevé durant l’été de 1874 et les répétitions commencent en septembre.
La création se déroule dans une relative indifférence. La bonne société s'insurgera contre une action jugée osée et ne verra dans le personnage de Carmen que vulgarité et mœurs dissolues. Mais le véritable scandale ne viendra qu'après la création, lorsque la presse se déchaînera contre cet ouvrage à l'intrigue jugée indécente. La grande nouveauté de Carmen réside en effet moins dans le fait de centrer l'action autour d'une femme « fatale » que dans la dureté des attitudes et la finesse avec laquelle sont peints les personnages. Carmen est l'antithèse de l'héroïne qui pouvait être montrée en exemple et l'ouvrage se termine de façon tragique, ce qui était alors inhabituel pour un opéra-comique ; de plus, Carmen meurt sur scène, ce qui était contraire à l’usage.
Bizet est mort peu après le semi-échec de la création et n'a pas connu le succès de Carmen, aujourd'hui l'ouvrage lyrique le plus représenté dans le monde entier. Les dialogues parlés accompagnés de mélodrames musicaux ont été remplacés, après la mort du compositeur, par des récitatifs mis en musique par Ernest Guiraud. Carmen est joué aujourd'hui sous l'une et l'autre forme.
Lors de la création, le rôle-titre était tenu par la célèbre mezzo-soprano française Célestine Galli-Marié, entourée de Marguerite Chapuy (Micaëla), Paul Lhérie (don José) et Jacques Bouhy (Escamillo), sous la direction de Louis Michel Adolphe Deloffre. Dès le 23 octobre 1875, Carmen est représenté à la Hofoper de Vienne, dans une version allemande de Julius Hopp, avec les récitatifs d'Ernest Guiraud. La première à la Monnaie de Bruxelles a lieu le 3 février 1876. C'est dans la version italienne d'Achille de Lauzières que l'ouvrage est d'abord représenté à Saint-Pétersbourg, le 28 février 1878, puis à Londres (Her Majesty's Theater), le 22 juin 1878, et à New York (Academy of Music), le 23 octobre 1879. Il est entré au répertoire du Covent Garden de Londres le 27 mai 1882, à celui du Metropolitan Opera de New York le 9 janvier 1884, à celui de la Scala de Milan le 26 décembre 1885. À Paris, l'ouvrage entre au répertoire de l'Opéra de Paris (Palais-Garnier) le 10 novembre 1959, avec Jane Rhodes (Carmen), Andréa Guiot (Micaëla), Jane Berbié (Mercédès), Albert Lance (don José) et Robert Massard (Escamillo), sous la direction de Roberto Benzi ; la mise en scène est signée Raymond Rouleau.
Carmen, de Francesco Rosi (1984), constitue un des rares succès du film-opéra ; Julia Migenes incarne Carmen, Plácido Domingo don José, Ruggero Raimondi Escamillo, François Le Roux Moralès, Jean-Philippe Lafont le Dancaïre. En 1954, Otto Preminger avait réalisé avec son film Carmen Jones une adaptation de l’ouvrage de Bizet, en transposant l’action durant la Seconde Guerre mondiale dans la société afro-américaine, avec Dorothy Dandridge (Carmen Jones) et Harry Belafonte (Joe).
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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