MARTÍN GAITE CARMEN (1925-2000)
Née le 8 décembre 1925 à Salamanque, Carmen Martín Gaiteest considérée, à l'égal d'Ana María Matute, comme l'une des principales représentantes du roman féminin de sa génération.
Après El Balneario (1954, La Station balnéaire), une nouvelle d'atmosphère kafkaïenne, Carmen Martín Gaite publie son premier roman en 1958. Distingué par le prix Nadal, Entre visillos (À travers les persiennes) a pour cadre une ville de province, étouffante de conformisme. Le jeune professeur, qui fait irruption dans ce monde figé dans ses modes de vie surannés, agit ici comme un révélateur. On n'est pas loin du célèbre roman de Clarín, La Régente : le regard critique est analogue, les destins des personnages sans plus d'espoir.
Dans Ritmo lento (1974, Rythme lent), le pensionnaire d'une clinique psychiatrique rédige son autobiographie. Une admirable évocation de Madrid constitue le décor de ce roman de la confusion, qui montre un protagoniste en totale opposition au cadre social qui l'enferme. L'écriture, justement, selon l'écrivain est faite pour tenter de redonner au monde son ordre et sa cohérence. Retahílas (1974, Litanies) se déroule dans un manoir de Galice. Une vieille femme agonise. À ses côtés, deux membres de sa famille retracent, en une interminable conversation, une pathétique saga familiale, avec l'espoir de renouer un lien à jamais brisé.
L'absence, la passion, le manque de communication, le temps qui passe, la mémoire, les illusions, la réalité brutale et le délabrement de l'après-guerre civile : tous ces thèmes s'entrecroisent dans les livres de Martín Gaite. Après Fragmentos de interior (1976), qui montre une famille de la petite bourgeoisie madrilène dans les années 1960, ces motifs se retrouvent dans El cuarto de atrás (1978, La Chambre du fond) : une femme écrivain reçoit, la nuit, un étrange visiteur, qui lui demande de lui raconter sa vie et de lui expliquer son activité créatrice.
Nubosidad variable (1992, Passages nuageux) met en scène deux anciennes amies de collège, qui, s'étant retrouvées bien des années plus tard, s'écrivent l'une à l'autre, d'une plume tantôt enjouée, tantôt désolée, leurs confidences. Capricieuse et mouvante, l'âme des personnages suggère avec une rare acuité le mystère ou l'absurdité de la vie.
La Reina de las Nieves (1994, La Reine des Neiges), Lo raro es vivir (1996, Drôle de vie la vie) et Irse de casa (1998, Claquer la porte) ont aussi pour objet, dans de superbes évocations, la mise au clair de l'âme féminine. Une technique narrative à base de monologues, de descriptions réalistes, de temporalité fragmentée, d'introspection, de longues phrases riches de tournures idiomatiques savoureuses, donne aux récits de Carmen Martín Gaite beaucoup d'entrain, de naturel et de piquant. Des poésies, des nouvelles, des contes pour enfants, des essais historiques sont venus s'ajouter aux romans.
« La parole existe... la solution s'y trouve. » Ces mots pourraient caractériser l'œuvre entière de cette romancière, qui écrivit avec tant d'ardeur pour briser le silence et la solitude qui marquent le destin de ses personnages, ses créatures de rêve et de désir.
Bibliographie
C. Martín Gaite, À travers les persiennes, trad. A. Brousseau, Gallimard, Paris, 1961 ; La Chambre du fond, trad. C. Bleton, Flammarion, Paris, 1993 ; Passages nuageux, trad. C. Bleton, ibid., 1995 ; La Reine des neiges, trad. C. Bleton, ibid., 1997 ; Drôle de vie la vie, trad. C. Bleton, ibid., 1999 ; Claquer la porte, trad. C. Bleton, ibid., 2000.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification