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CARNAVAL

Le carnaval fait partie de ces manifestations festives qui reviennent chaque année aux côtés des fêtes calendaires religieuses telles que Noël ou Pâques. Reliée aux rythmes de la nature et de ses cycles, cette fête aux caractères archaïques tient un rôle important dans l'organisation symbolique du temps social. Le carnaval remonterait à la nuit des temps, et les peintures rupestres représentant des silhouettes déguisées d'hommes sauvages pourraient peut-être bien en fournir le premier témoignage. Certains carnavals modernes ont conservé cette référence à l'homme sauvage, d'aspect végétal ou animal, faisant office de chaman, de passeurs entre le monde invisible et surnaturel et le monde terrestre. De la Suisse au Brésil, l'exaltation de l'homme sauvage, médiateur entre l'ordre et le chaos, entre l'hiver et le printemps, entre la vie et la mort, reste vécue de l'intérieur avec ardeur par ses protagonistes.

Cette fête est encadrée au Moyen Âge par l'Église, qui l'insère dans le cycle précédant la période de carême, entre Noël et le dernier des jours gras, le Mardi gras. Carne levare, ou bien encore carnis levanem qui a donné en bas latin carnevalem, signifiant « enlèvement de la chair » ou « adieu à la chair », sont les explications étymologiques les plus courantes à propos du carnaval. Elles font allusion à la période où l'on « ôte la chair », où l'on consomme une dernière fois des aliments gras avant d'entrer en carême ou « quadragésime », période de quarante jours pendant laquelle les chrétiens devaient faire maigre, jusqu'à Pâques. Le carnaval était donc la dernière fête qui donnait lieu à des débordements licencieux de la part des participants, à des « excès permis », pour reprendre la formule de Freud. Opérant un lien direct avec l'Antiquité, le carrus navalis fournit une autre étymologie, plus vraisemblable, qui rapporte le mot à un autre aspect de cette fête : le char naval, ou la barque voiturée, sur lequel était juché, à l'origine, l'image de Dionysos, le dieu du vin fils du dieu de la mer, Poséidon, lorsqu'il pénétrait dans les cités lors des fêtes célébrées en son nom. Dans la Rome impériale, le 5 mars, on appelait ainsi le bateau processionnel posé sur un char tiré lors de la fête donnée en l'honneur de la déesse Isis, pour marquer la reprise de la navigation en haute mer.

Faute d'avoir été totalement extirpé par le christianisme, le carnaval fait partie de ces rites d'origine païenne qui se sont transformés progressivement sous l'effet du calendrier liturgique, pour finalement devenir, dans le monde moderne et sécularisé, un grand événement festif et urbain ayant parfois perdu jusqu'à sa référence au calendrier religieux. Il tire de ces circonstances mêmes ses traits les plus fondamentaux, à savoir la survivance de vieux cultes déchus par le christianisme ; il recrée un chaos éphémère où sont mis en scène la sauvagerie, l'inversion et l'absurde. Occupant momentanément l'espace public, c'est-à-dire la rue, il fait participer une foule d'anonymes, déguisés et masqués souvent selon des codes précis et fédérés par une multitude d'emblèmes grotesques, à une parodie de procession, sur des musiques ou des chants inscrits dans un répertoire et un style spécifiques. C'est dans les limites mêmes de cette marge concédée, pour quelques jours, par les autorités religieuses et laïques, qu'il faut entendre l'origine de la tradition carnavalesque, apparue dans le monde médiéval chrétien, catholique ou orthodoxe.

Symbolique du carnaval

Découvrant, à la fin du xviiie siècle, le carnaval de Rome et ses scènes délirantes jouées par des hommes travestis en femmes, Goethe notait que « le carnaval est une fête qui, à vrai dire,[...]

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Écrit par

  • : présidente de Carnaval sans frontières, ancien expert-consultant auprès de l'U.N.E.S.CO. pour les carnavals, D.R. en histoire (université de Nice), D.E.S.S. en psychologie sociale et clinique (université de Nice)

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Carnaval de Venise - crédits : Salih Külcü/ Panther Media/ Age Fotostock

Carnaval de Venise

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