CAROLINGIENS
L'art carolingien
L'architecture, art majeur
Une statistique publiée lors de l'exposition « Charlemagne » à Aix-la-Chapelle, en 1965, montre bien le rôle prépondérant de l'architecture. Pour toute l'étendue de l'Empire carolingien, et pour une période allant du ive siècle à 855, on a pu enregistrer 1 695 édifices importants, dont 312 cathédrales, 1 254 monastères et 129 résidences royales. Le décompte pour la seule période de 768 à 855 indique 27 cathédrales nouvelles, 417 établissements monastiques et 100 résidences royales ; 16 de ces 27 cathédrales furent érigées sous Charlemagne, de même que 232 monastères et 65 ensembles palatins. Les archéologues ne connaissent, à vrai dire, qu'une faible partie de cette richesse monumentale ; mais, grâce à plusieurs fouilles récentes, une image plus précise de l'architecture carolingienne se dessine.
Vers une formule architecturale synthétique
À Metz, Chrodegang, premier évêque et chancelier du royaume (742-766) avait organisé son chapitre cathédral à la manière d'une communauté monastique. Autour d'un cloître (claustrum) étaient groupées plusieurs petites églises, la plupart de forme basilicale, l'une d'elles – Saint-Étienne – jouant le rôle de cathédrale. Mais les offices liturgiques les plus importants, notamment ceux de Pâques, avaient lieu dans la basilique Saint-Pierre-le-Majeur. Cette église, bâtie comme sa voisine, Saint-Pierre-le-Vieux, au viie siècle, avait été dotée, par Chrodegang, d'une abside semi-circulaire, pourvue d'un autel à baldaquin appelé reba (visible sur les plaques de reliure du Sacramentaire de Drogon).
À la fin du viiie siècle, Angilbert, gendre de Charlemagne, observe encore, dans sa nouvelle abbaye de Centula ( Saint-Riquier, dép. de la Somme), une liturgie répartie sur plusieurs sanctuaires, mais ceux-ci sont distribués de façon bien plus rationnelle. Et, avec le plan idéal de Saint-Gall, un premier stade d'intégration sera atteint vers 820.
En fait, l'architecture carolingienne contient en germe ce qui fait la gloire de l'architecture romane. Les édifices religieux des alentours de l'an 800 marquent bien la charnière entre l'Antiquité et les puissantes créations des xie et xiie siècles. L'architecture des viiie et ixe siècles recourt aux formules traditionnelles de la basilique et de la rotonde, mais leur aspect sera différent et leur composition évoluera également de façon moderne. D'une simple juxtaposition, on passera à l'assemblage, puis les éléments assemblés tendront vers l'intégration. La rotonde devient tour ; la tour et la basilique sont assemblées en un seul édifice alors que, peu de temps auparavant, une multitude de sanctuaires entouraient, de manière plus ou moins anarchique, l'édifice principal, cathédrale ou abbatiale.
La comparaison de l'abbaye de Centula-Saint-Riquier avec le groupe cathédral de Metz permet de se faire une idée exacte de l'évolution intervenue entre 750 et 800.
Une abbaye modèle : Centula-Saint-Riquier
L'abbaye carolingienne de Saint-Riquier est bien connue grâce à deux gravures du xviie siècle (gravures de Petau et de Mabillon) qui reproduisent un dessin de la Chronique de Saint-Riquier, rédigée à la fin du xie siècle par le moine Hariulf.
Sur le flanc nord d'un immense cloître trapézoïdal se dresse l'église abbatiale, imposant édifice à deux tours. Ces tours, imitées des rotondes antiques, étaient agencées de façon bien particulière. Au rez-de-chaussée, la tour occidentale avait une crypte dont le sol était sensiblement au même niveau que l'atrium et le reste de la basilique. Appelée Cripta Sancti Salvatoris, elle abritait le reliquaire majeur de l'abbaye, la capsa maior, qui contenait des reliques du Christ rapportées de Terre sainte. Au-dessus[...]
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Écrit par
- Robert FOLZ : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
- Carol HEITZ : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers
Classification
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