CAROLUS-DURAN CHARLES ÉMILE AUGUSTE DURAND dit (1837-1917)
Peintre glorieux de la IIIe République, Carolus-Duran expose au Salon, de 1866 à 1889, et termine sa carrière couvert d'honneurs comme directeur de l'académie de France à Rome. Comme peintre officiel, il est surtout le portraitiste de la haute société de son temps, rôle qu'il partage avec Léon Bonnat. Comme lui, il a eu, à Rome puis en Espagne, la révélation de la peinture espagnole et, comme lui, il tente d'affiner sa sensibilité et de renforcer ses moyens d'expression en étudiant les portraits de Velázquez. Mais il y a plus qu'un souvenir de Courbet dans un des premiers envois de Carolus-Duran au Salon de 1866, L'Assassiné (musée de Lille). Il est curieux de voir l'influence de l'Espagne ou de Courbet sur des peintres officiels tant décriés depuis : vigueur de la brosse, audace de l'éclairage, humanité profonde des sentiments ; voilà qui a séduit dans le courant réaliste. Carolus-Duran s'en éloigne cependant assez tôt en réussissant un coup de maître : sa Dame au gant (musée d'Orsay, Paris) remporte au Salon de 1869 tous les suffrages pour ses qualités picturales. On loue l'élégant geste du modèle, prototype d'un idéal féminin bourgeois. La mise en page sobre, l'expression de gravité évoquent Manet, qui utilise lui aussi un éclairage fortement contrasté. La leçon espagnole est encore présente, mais le succès d'un portraitiste est soumis avant tout aux caprices et aux exigences d'une clientèle de femmes du monde qui n'admettent qu'un reflet séduisant et luxueux. Carolus-Duran sait donner de la vie à la matière colorée, comme pour le Portrait de Mme de Lancey (1876, musée du Petit-Palais, Paris), mais la pose alanguie sur un sofa, le geste affecté de la main appuyée sur l'éventail, le chatoiement de la robe blanche sur le rouge cossu sentent le procédé. Émile Zola l'a bien vu lorsqu'il note dans ses Lettres de Paris (juillet 1878) : « Il a beaucoup d'habileté, un éclat artificiel, une originalité mensongère, tapageuse et voulue. Bien sûr il sait peindre : c'est là son excuse. Mais je prédis que son talent s'épuisera de plus en plus et qu'il se survivra à lui-même. » (Œuvres complètes, t. XII, 1969). Carolus-Duran a dû tenir compte d'une sensibilité nouvelle envahissant l'art de son temps, l'impressionnisme : sa touche se fond, la palette devient plus claire, mais les recettes ne renouvellent pas le peintre. Virtuose du portrait mondain — et en dépit d'essais de grands décors pour les palais officiels —, Carolus-Duran a attiré de nombreux jeunes artistes doués qui ont continué, comme Sargent, à mettre leur talent de peintre au service d'un art mondain.
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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