PIRI REIS CARTE DE
En 1929, lors de travaux destinés à transformer en musée le palais de Topkapi à Istanbul, on découvre un jeu de cartes anciennes dont l'une, datée de 1513 (calculée pour la notation chrétienne de l'époque), attire particulièrement l'attention. Cette carte, dessinée sur une peau de gazelle, attribuée à l' amiral ottoman Piri Ibn Haji Mehmed dit Piri Reis, connu pour ses actions en mer Rouge et dans le golfe Persique, décrit les côtes occidentales de l'Afrique et les côtes orientales de l'Amérique du Sud. Ces dernières sont dotées d'un prolongement surprenant au sud qui pourrait être le continent antarctique tel qu'il existe sous les glaces. Cela est impossible sur une carte du xvie siècle, et cet anachronisme apparent déchaîne les interprétations, du simple faux aux extravagances d'une représentation du monde vu de l'espace ou par les habitants disparus d'un Antarctique fantasmé.
La datation au carbone 14 dit que la gazelle dont la peau a été utilisée est morte au début du xvie siècle. L'analyse des encres est compatible avec celle des encres utilisées dans l'Empire ottoman au début du xvie siècle. Cet argumentaire scientifique, développé en 1988, ne coupe pas court aux commentaires, mais permet une analyse plus neutre de cette carte. Il semble qu'il s'agisse de la superposition assez rudimentaire de plusieurs cartes de Christophe Colomb, aboutissant à la répétition de certaines zones des côtes brésiliennes, et sans doute d'autres cartes d'origine hispanique ou portugaise.
La représentation géographique est liée à l'usage d'un système de projection polaire. L'extension au sud est soit le « contrepoids » postulé par Ptolémée pour équilibrer le poids des terres, soit plus prosaïquement une erreur de copie d'une des cartes de Colomb. Quoi qu'il en soit, ce document prouve l'intérêt de la Turquie pour des zones géographiques éloignées de ses zones d'influence, et témoigne de la circulation des informations cartographiques, souvent pourtant tenues secrètes, dans toute l'Europe. Le caractère fabuleux de cette circulation est romancé dans L'Entreprise des Indes d'Erik Orsenna (Stock, 2010).
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Média