CARTE POSTALE
Expressionnistes, futuristes, dadaïstes et surréalistes
Si la carte postale a été l'une des stars de la Belle Époque, elle a aussi tenté les différentes avant-gardes qui se sont succédé en Europe dans le premier quart du xxe siècle. Elle fut alors, dans quelques cercles privilégiés, le véhicule d'un art de remise en question qui lui donne ses lettres de noblesse et mérite qu'on s'y arrête.
À Vienne, s'était constituée dès la fin du xixe siècle la Wiener Werkstätte qui, en réaction totale contre l'académisme dominant, édite de 1907 à 1910 près d'un millier de cartes postales, parmi lesquelles on trouve souvent les signatures d'Egon Schiele et de Kokoschka. On retrouve le nom d'Egon Schiele en Allemagne à côté de celui de Lyonel Feininger et de Schmidt-Rottluff pour une série de cartes éditées par la revue Aktion. Kandinsky a dessiné l'une des cartes réalisées à l'occasion d'une exposition du Bauhaus à Weimar, et la revue Der Sturm, organe de presse de l'expressionnisme, a fait éditer non seulement les portraits de ses collaborateurs, Gleizes, Archipenko, Klee, mais également les œuvres de certains futuristes italiens (Boccioni, Carrà, Severini, Russolo). Ces cartes imprimées en sépia portaient au verso une courte explication analytique de l'œuvre. Un ouvrage de Giovanni Lista a mis en évidence l'inventivité et la créativité des futuristes qui ont développé « de façon diverse la carte auto-illustrative, s'appliquant surtout à la réaliser dans sa version immédiatement publicitaire ». Marinetti fait imprimer en 1911 du papier à lettre et des cartes postales portant l'en-tête du mouvement, ainsi que cinq cartes avec son portrait. Balla s'est également servi de la carte postale pour réaliser des micro-compositions, dans lesquelles il effectue ses premières études analytiques de lumière, et Depero comme Prampolini ont fait éditer chacun une série de cartes.
À Berlin, le club Dada fondé par Raoul Haussmann édite en 1918 une carte postale sur laquelle était dactylographié un poème en phonétique, et l'on cite comme ancêtre de l'art postal contemporain les quatre cartes postales collées sur un support commun par Marcel Duchamp, Le Rendez-vous du 6 février 1916, adressé aux Arensberg, et qui porte au dos un texte concernant Le Grand Verre et les œuvres connexes. Les surréalistes ne pouvaient que s'intéresser à la carte postale. Ils ont édité une série de vingt et une cartes, sur quatre papiers de couleur différente, qui portent des dessins de Marcel Duchamp, André Breton, Max Ernst, Miró, Dalí, Bellmer, Man Ray, Dominguez, Magritte, Arp... Et Paul Eluard, collectionneur prestigieux, se livra pour son plaisir à des arrangements de cartes postales fantaisies ou artistiques. Elles sont alors prétexte à un montage poétique.
Certains artistes ont emprunté la carte postale au quotidien pour la récupérer, la détourner : Robert Delaunay et Man Ray, à plus de trente ans d'intervalle, ont ainsi utilisé la même carte sentimentale, Le Baiser, pour en faire, chacun à sa manière, un tableau différent. Utrillo s'en servait comme d'un modèle, et Vivin recréait à partir de cartes pour touristes une Venise onirique, qu'il n'avait jamais vue.
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
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