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BROWN CARTER (1923-1985)

Deux cent soixante-dix romans publiés durant son existence, dont plus de cent cinquante policiers traduits en français, voilà qui fait de Carter Brown l'auteur le plus prolifique de la Série noire, cette célèbre collection créée chez Gallimard par Marcel Duhamel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Carter Brown, de son vrai nom Alan Geoffrey Yates, naquit à Londres le 1er août 1923. Il fut d'abord preneur de son à la British Gaumont, puis à vingt-cinq ans émigra en Australie où il exerça divers métiers (vendeur, agent de relations publiques...). Auteur de quelques « westerns » et récits de science-fiction, il se consacra à partir de 1953 au roman policier, et se fixa à Sydney. C'est en 1959 que parut dans la Série noire un premier roman, À pâlir la nuit. À partir de Zelda la Douce, qui date de 1974, il fut publié uniquement dans la collection Carré noir, petite sœur de la Série noire consacrée à la réédition de certains de ses textes. Contrairement à ce principe, la plupart des livres de Carter Brown furent des inédits. Le dernier roman de Carter Brown, Faisans à foison, parut en septembre 1984. Victime d'une crise cardiaque, l'écrivain devait décéder le 5 mai 1985 à Sydney.

Jusqu'à sa disparition, le succès de Carter Brown fut indéniable, avec ses cinquante-cinq millions d'exemplaires traduits en quatorze langues et diffusés dans vingt-trois pays. La recette de cette réussite commerciale est relativement simple : comme certaines séries de télévision, les livres de Carter Brown sont bâtis selon des scénarios répétitifs, et les enquêtes qui s'y déroulent se nourrissent d'ingrédients réutilisés d'un roman à l'autre. Whisky et « petites pépées » sont au rendez-vous, ainsi que des scènes érotiques qui occupent une place grandissante. On retrouve régulièrement des personnages à la maigre consistance : le détective Johnny Rio et son assistante Mavis Seidlitz, véritable « bombe sexuelle » qui est l'héroïne d'une quarantaine de volumes ; le privé Danny Boyd, parfois remplacé par Rick Holman ou Max Loyal ; ou encore le lieutenant Al Wheeler qui reçut le prix du détective le plus « soiffard » lors d'une cérémonie organisée par Marcel Duhamel à Paris en 1960. Ces personnages sans âme traversent des milieux souvent luxueux et interchangeables, où ne comptent ni l'atmosphère, ni l'environnement social. Ils ne constituent qu'un décor sans épaisseur, qui ne préoccupe pas leur auteur, ce qui le place à cent lieues du roman noir américain originel et de ses continuateurs. Parmi de nombreux livres aux titres français racoleurs (La Blonde éruptive, La Tournée des cocottes, Du feu par les naseaux...), aucun ouvrage ne se détache qui mérite une mention particulière, à la différence d'un autre romancier à succès, James Hadley Chase, décédé peu de temps auparavant, et dont Eva ou Pas d'orchidées pour miss Blandish resteront dans les mémoires. Carter Brown n'a pas fait une œuvre littéraire. Bien plus qu'un écrivain, il fut un phénomène éditorial, et, s'il put divertir des voyageurs fatigués et avides de distraction, son succès pose avant tout un problème sociologique : comment l'auteur peu talentueux d'histoires impossibles à prendre au sérieux réussit-il à devenir si populaire ?

— Hervé DELOUCHE

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Écrit par

  • : documentaliste de presse à la Société générale de presse, rédacteur en chef de la revue Asphalte

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  • SÉRIE NOIRE

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    • 643 mots
    • 2 médias

    Célèbre collection policière lancée en 1945 par la maison d'édition Gallimard et créée par Marcel Duhamel. Sous ce nom générique (dû à Jacques Prévert) ont été publiés plus de deux mille titres, qu'on peut rattacher au thriller, mais qui se répartissent selon un éventail...