CARTOGRAPHIE CELLULAIRE DU CERVEAU
Premiers développements des atlas génomiques
Un premier projet d’atlas génomique à l’échelle cellulaire a débuté en 2003 avec la création de l’institut Allen du cerveau de Seattle (État de Washington), financé en majeure partie par le philanthrope américain Paul Allen. L’objectif était alors d’automatiser la numérisation de 3 000 coupes de cerveau par jour d’une certaine souche de souris, sur lesquelles les ARN messagers présents dans chaque cellule étaient révélés par hybridation avec des sondes spécifiques fluorescentes. Cette technique a permis d’identifier les zones d’activité de 21 000 gènes dans le cerveau de la souris. Elle avait déjà servi en 2002 pour la réalisation de l’atlas génomique Drosophila Standard Brain, combinée à la microscopie confocale et à des outils informatiques de visualisation 3D.
Pour les cerveaux de souris et de l’homme, autrement plus complexes que celui de la drosophile, ce n’est qu’au fil des années, en fait en 2023, que l’application de cette technologie à la production d’un atlas génomique cellulaire a pu être finalisée, grâce à de nombreuses collaborations gérées par l’institut Allen à travers la direction du Brain Initiative Cell Census Consortium, financé par le NIH (National Institute of Health) dans le cadre de son projet BRAIN Initiative®. Le consortium comprenait initialement l’institut Allen, les universités Brandeis, Harvard, Yale, l’université de Californie (Berkeley, Los Angeles, San Diego, San Francisco), le Cold Spring Harbor Laboratory et le Salk Institute for Biological Studies. La zone minimale d’analyse est celle d’un cube de 10 micromètres (μm) de côté, soit la taille d’un corps cellulaire de neurone – l'atlas est donc bien réalisé à l'échelle cellulaire.
La numérisation entière du cerveau de souris présentée en 2023 n’était en réalité qu’un projet parmi tant d’autres, dont plusieurs atlas du cerveau humain, un atlas de la souris à différents stades de développement (projet européen EUREXPRESS), un atlas plus détaillé de la moelle épinière de l’homme et de nombreux autres prenant en compte des pathologies nerveuses ou mentales.
À la suite de la mise en ligne des premiers atlas Allen, de nombreux projets voient le jour – comme au Japon avec Brain/MINDS (Brain Mapping by Integrated Neurotechnologies for Disease Studies), ou encore l’initiative européenne Human Brain Project de neurocomputation. Les atlas du cerveau à l’échelle cellulaire suscitent dès lors d’énormes espoirs quant à la possibilité d’analyser de nouveaux circuits de neurones à partir de ces bases de données accessibles en ligne.
Des données inédites – d’anatomie d’atlas classiques avec marquage des neurones, d’électrophysiologie, de psychologie ou encore de comportement – sont régulièrement agrégées à ces atlas initiaux. L’agrégation concerne aussi des données anatomiques obtenues in vivo avec des technologies d’IRM de diffusion, d’imagerie magnétique ou à ultrasons qui donnaient précédemment lieu à des atlas spécifiques. Les analyses des transcriptomes ont également gagné en précision en évaluant la manière dont les gènes sont utilisés pour la synthèse des protéines (épissages), par la réalisation de microdissections laser de neurones individuels sur des coupes, pour séquencer entièrement leurs transcriptomes. Chaque neurone possède désormais une sorte de fiche descriptive de l’ensemble de ses gènes exprimés ou réprimés selon les circonstances, de ses relations avec d’autres neurones ou structures cérébrales et, de manière générale, de toutes les caractéristiques que l’on aura pu établir à son propos.
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Écrit par
- Jean-Gaël BARBARA : neuroscientifique, directeur de recherche CNRS
Classification
Média