CARTOGRAPHIE CELLULAIRE DU CERVEAU
Heuristique de ces atlas
L’atlas du cerveau de souris permet d’établir des corrélations entre des neurones exprimant certains gènes, leur organisation en circuits et des aspects de leur physiologie et de leur pathologie.
Le caractère systématique de la collecte de données sur le cerveau de souris permet de classer les types de neurones et de cellules non neuronales dans un cerveau entier, à partir de la formation de classes de profils d’expression d’ensemble de gènes (molecular profiling). Une étude préliminaire de 2005 avait démontré la possibilité de définir de telles classes en corrélant des populations de neurones ayant des marqueurs génétiques identifiés avec des types de neurones identifiés par l’anatomie, la physiologique et la pharmacologique. Cette diversité que l’on ne mesure pas encore entièrement a confirmé et développé certaines études ponctuelles antérieures, par exemple concernant la diversité des interneurones hippocampiques impliqués dans la mémorisation. Par ailleurs, une classe de neurones du cerveau antérieur, celle des interneurones à cholécystokinine à décharge irrégulière, associée aux marqueurs génétiques Htr3a (le gène d’un récepteur à la sérotonine) et Cnr1 (le gène d’un récepteur aux cannabinoïdes), a été caractérisée. La poursuite au long terme de ce projet est réalisée dans le cadre d’un repère anatomique commun (Allen mouse brain common coordinate framework, CCF). La troisième version de ce repérage est un cadre constitué par un cerveau de souris entièrement numérisé, réalisé par moyennage de plus de 1 600 cerveaux, avec une résolution de 10 µm. Les coupes histologiques ont été photographiées par tomographie à deux photons de l’autofluorescence de cerveaux de deux types de souris transgéniques chez lesquelles on a introduit un gène qui rend fluorescents les neurones des couches superficielles sans distinction de classe, ou un autre gène qui rend visibles les neurones plus profonds. Le projet implique aussi une nomenclature commune des types définissant des classes de cellules du cerveau en fonction des gènes exprimés. Ces classes se corrèlent souvent à celles de neurones déjà définies anatomiquement et fonctionnellement. Cependant, certaines classes peuvent être au départ relativement indéterminées, par exemple lorsqu’un groupe de neurones bien que défini par un marqueur génique spécifique est peu caractérisé morphologiquement. C’est ainsi que l’une des premières applications de l’atlas Allen de souris a consisté à caractériser un nouveau type de cellule de la moelle épinière (des cellules de la glie radiale) se comportant comme des cellules souches et qui pourrait être ciblé pour une réparation physiologique après un traumatisme. Ces classes sont alors évolutives en ce sens qu’elles se précisent au fil des recherches, lorsque davantage de corrélations sont découvertes. Ainsi, les classes de neurones définis principalement par des marqueurs deviennent-elles progressivement « robustes », c’est-à-dire qu’elles passent du statut d’hypothèse d’un nouveau type de neurone à un nouveau type cellulaire défini, caractérisé de manière épistémique comme un nouvel objet biologique particulier, par le croisement des techniques le caractérisant.
Ajoutons que la caractérisation des types de neurones et de leur organisation en populations ou en réseaux est complétée par des données relatives à leur mise en place au cours du développement en parallèle avec leur différenciation en sous-classes et sous-populations localisées, mais aussi par des données concernant leurs connexions avec d’autres populations de neurones dans un cadre anatomique commun. Ces données peuvent être utilisées dans le cadre de chaque projet scientifique pour générer des atlas en 3D de n’importe quel sous-type de neurone défini par un ensemble de paramètres.
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Écrit par
- Jean-Gaël BARBARA : neuroscientifique, directeur de recherche CNRS
Classification
Média