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CARTOMANCIE

La Tireuse de cartes, Lucas de Leyde - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

La Tireuse de cartes, Lucas de Leyde

Formé à partir du grec manteia « prédiction, oracle », le mot cartomancie désigne l'art de « lire » dans les cartes à jouer. Cette forme de divination est sans doute aujourd'hui la plus pratiquée en Occident, aussi bien par des amateurs que par des professionnels. Contrairement à une idée reçue, la cartomancie n'est pas très ancienne. On n'en trouve guère de trace avant la seconde moitié du xviiie siècle, ce qui n'empêche pas de penser qu'elle a pu naître un peu auparavant. C'est néanmoins à partir de la fin du xviiie siècle et au cours du xixe que cette technique s'est développée, s'enrichissant de jeux originaux et de manuels pratiques de plus en plus nombreux. Trois sortes de jeux sont mis à contribution : les jeux ordinaires, à 32 ou à 52 cartes ; les jeux spécialement dessinés pour la cartomancie ; les tarots.

La cartomancie suppose la présence physique d'un(e) consultant(e) et d'un(e) voyant(e), les deux pouvant être éventuellement réunis en une seule personne qui « se tire les cartes ». Les cartes sont déployées sur la table, face visible, dans un ordre précis et selon une disposition particulière, puis elles sont « interprétées » en tenant compte à la fois du sens de lecture, droite ou inversée, de l'ordre d'apparition et de l'emplacement de chacune par rapport aux autres. On interroge le plus souvent les cartes pour connaître son avenir proche ou lointain, mais on peut aussi s'en servir pour mieux cerner la personnalité ou le caractère du consultant. En France, les professionnels de la voyance sont assimilés aux professions libérales, comme les psychologues ou les psychanalystes indépendants.

La cartomancie avec un jeu ordinaire

Le premier usage attesté des cartes à jouer, arrivées en Europe dans la seconde moitié du xive siècle, est le jeu. Ce n'est que bien plus tard qu'on en a fait un usage divinatoire. Il fallait beaucoup d'imagination pour faire parler les cartes : celles-ci en effet ne délivrent pas de message intrinsèque universel. Il ne pouvait en aller autrement étant donné l'extrême diversité des types graphiques et des symboles de couleurs recensés pour la seule Europe. Le symbolisme que l'on prête aux figures et aux couleurs relève donc de choix arbitraires. C'est le lecteur qui plaque sur les cartes une grille interprétative personnelle ou puisée dans un manuel.

On connaît des jeux de demandes et réponses dès la fin du xviie siècle qui semblent préparer le terrain à des interrogations de type prédictif. Mais ce sont alors des jeux d'amusement en société, le plus souvent à thème sentimental. Le plus ancien témoignage précis sur l'emploi divinatoire de cartes à jouer nous est fourni par Casanova sous la date de 1765 (mais l'Histoire de ma vie a été écrite longtemps après...). Le tirage des cartes – on ne dit pas encore cartomancie – devait être dans l'air du temps car une gravure de Halbou d'après Schenau, intitulée La Crédulité sans réflexion et datée de 1770, montre une femme aisée dans l'antre d'une cartomancienne avec un jeu déployé sur une table. La même année paraissait à Paris le premier traité pratique de divination par les cartes : Etteilla, ou manière de se récréer avec un jeu de cartes. Etteilla (pseudonyme de Jean-Baptiste Alliette le Jeune, 1738-1791) est ainsi le plus ancien cartomancien professionnel prouvé. Auteur de plusieurs manuels, y compris dans des domaines voisins comme l'astrologie ou l'alchimie, il est la première grande figure de cet art. Si l'on suit ses explications, jusqu'au milieu du xviiie siècle, on se contentait de tirer les cartes une à une et d'en interpréter le sens directement. Etteilla prétend avoir révolutionné l'art de la cartomancie en imaginant le tirage en éventail et l'interprétation[...]

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Écrit par

  • : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu

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