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CAS PRIVILÉGIÉS, histoire du droit

Affaires judiciaires concernant des membres de l'Église et réservées aux juridictions royales. Celles-ci s'étaient, durant le haut Moyen Âge et pour enlever aux juridictions ecclésiastiques tout monopole de justice, donné trois procédés leur donnant préséance en matière judiciaire : la saisie du temporel, l'appel comme d'abus et les cas privilégiés. Cette dernière expression désigne donc à la fois et les cas que l'autorité royale s'était réservés et le processus juridique de dessaisissement des tribunaux ecclésiastiques auquel il correspondait.

Objets d'une accusation, les membres de l'Église comparaissaient devant un tribunal formé de leurs pairs qui, déjà portés à la clémence parce que jugeant des membres du même corps, refusaient en outre de verser le sang. Pour limiter une telle immunité de fait et se subordonner le pouvoir religieux, le pouvoir royal décréta, au nom de l'ordre public, qu'il avait seul compétence pour juger des atteintes graves à celui-ci. La théorie des cas privilégiés est semble-t-il formulée par Bouteiller au xiie siècle et concerne d'abord le port d'armes contre un justiciable ; en 1205, Philippe Auguste l'étend et refuse le droit d'asile aux clercs ou ex-clercs coupables d'un délit ; bientôt toute violence, même légère, du fait d'un clerc est dite cas privilégié et tombe dans le droit commun. En 1370, Charles V y ajoute l'hérésie, car celle-ci affecte Dieu... et le roi, par le biais du crime de lèse-majesté qu'elle constitue. Par extension, toute infraction à une ordonnance royale deviendra un cas privilégié, seules la fabrication et l'usage de fausse monnaie par des clercs restent en suspens.

À la fin de l'Ancien Régime, seront cas privilégiés les délits proprement ecclésiastiques, le fait de célébrer plus d'une fois la messe en un jour sans autorisation spéciale, la désobéissance à l'évêque, le fait de prêcher ou de célébrer la messe malgré suspense ou d'absoudre sans permission, le fait d'enfreindre aux bonnes mœurs et aux règles d'habillement ; à cela s'ajoutent les délits de droit commun commis par des ecclésiastiques (injure verbale, concubinage, ivrognerie, vagabondage, etc.) et les délits dits privilégiés. Ces derniers, troublant particulièrement l'ordre public du fait même de la qualité du coupable, appellent une peine plus forte ; tels sont les crimes de blasphème, d'empoisonnement, d'incendie, de viol, d'usure, de rapt, de séduction, d'adultère, de libelle diffamatoire, de séduction en confessionnal.

Jusqu'à la Révolution française, le pouvoir ecclésiastique se considérera toujours compétent, tant ratione materiae que ratione personae et interviendra en conséquence près des tribunaux royaux ; parfois les juges des deux ordres collaboreront étroitement, les juges royaux jugeant l'individu et les juges ecclésiastiques assurant sa détention, ou encore les juridictions prononçant conjointement des peines de droit commun et de stricte discipline ecclésiastique lorsque le délit appelle une double sanction.

— Joël GREGOGNA

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